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La technique du " packing ", enjeu d’un violent conflit : Catherine Vincent

La technique du " packing ", enjeu d’un violent conflit

© Le Monde du 17 février 2012

vendredi 17 février 2012, par  Michel Balat

http://www.balat.fr/La-technique-du-packing-enjeu-d-un.html

La technique du " packing ", enjeu d’un violent conflit

Lille Envoyée spéciale

Florian s’est déshabillé de lui-même. En maillot de bain dans la petite salle, il est venu s’allonger sur le lit. Céline et Yann, les psychologues qui sont avec lui, entourent doucement ses jambes d’un linge blanc. Puis tout le corps, tête exceptée. Florian, attentif, se laisse emmailloter et recouvrir de couvertures. Les deux thérapeutes s’assoient près de lui, un de chaque côté. Dans la demi-heure suivante, ce grand garçon de 10 ans, diagnostiqué autiste profond, va rire, dialoguer, rire encore, dans un moment d’intense communication et de détente. Au Centre médico-psychologique pour enfants et adolescents du CHRU de Lille, nous venons, cet après-midi de janvier, d’assister à une séance de " packing ". Et cela n’a vraiment rien à voir avec une séance de torture.

Le packing ? Une technique d’" enveloppements humides " réservée aux cas d’autisme les plus sévères, avec automutilation répétée. Pratiquée par plusieurs dizaines d’équipes en France, elle consiste à envelopper le patient dans des serviettes humides et froides (10 à 15 0C), puis à induire un réchauffement rapide. Pour ses défenseurs, les séances permettent de lutter contre les " angoisses de morcellement " et facilitent la relation thérapeutique. Pour ses détracteurs, dont les plus virulents sont l’association de parents Vaincre l’autisme, il s’agit d’un " acte de torture ". Le symbole maléfique de la prise en charge psychiatrique de l’autisme. La bête à abattre.

" Harcèlement "

" Je me sens remis en cause, calomnié, disqualifié. Pour ma pratique vis-à-vis des enfants que je soigne et de leurs parents, c’est terrible. " Le professeur Pierre Delion, chef du service de pédopsychiatrie au CHRU de Lille et premier promoteur du packing en France, s’estime victime d’un " harcèlement professionnel ". Reconnu par ses pairs pour son humanisme et son esprit d’ouverture, ce spécialiste de l’autisme devait comparaître, jeudi 16 février, devant le conseil départemental du Nord de l’ordre des médecins, suite à une plainte déposée contre lui par Vaincre l’autisme pour manquement à l’éthique médicale. Une plainte similaire a été déposée à l’encontre du professeur David Cohen, chef du service de psychiatrie enfants et adolescents de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris).

Leur délit ? Pratiquer le packing quand ils l’estiment nécessaire. Et soutenir le principe d’une recherche scientifique portant sur l’efficacité de cette méthode, menée depuis 2008 dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique national (PHRC). Un comité de soutien s’est constitué pour défendre les deux hommes, sous la forme d’une " lettre ouverte au conseil de l’ordre des médecins et aux familles de personnes autistes ". Mise en ligne il y a quelques semaines, elle a réuni à ce jour plusieurs milliers de signatures de professionnels de la santé.

Révélateur paroxystique du conflit qui oppose les associations de parents au pouvoir médical, le packing va-t-il être jeté avec l’eau de la tempête ? Son efficacité thérapeutique, il est vrai, n’a jamais été prouvée autrement que de façon empirique. C’était précisément l’objet de l’essai clinique lancé en 2008, que le Pr Delion affirme avoir appelé de ses voeux pendant de nombreuses années. Mais cette recherche est devenue, de fait, irréalisable.

" Depuis son lancement, il y a eu une telle publicité contre cette technique qu’un certain nombre de collègues et de parents ont refusé d’y participer. On est donc au point mort ", se désole le Pr Delion, qui rappelle que " l’alternative à cette technique, ce sont les neuroleptiques à très fortes doses ". Dans l’épreuve, il trouve un élément de consolation : " Aucun des parents des enfants sur lesquels j’ai pratiqué ces approches intégratives ne fait partie de cette vendetta. C’est la seule chose qui me réconforte. "

Catherine Vincent

© Le Monde



09/07/2012
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