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"Packing" : expérience suisse et témoignage de patients adultes

"Packing" : expérience suisse et témoignage de patientshttp://www.psychiatrie-francaise.com/Actualites/Default.aspx?aId=188 adultes

 

Le packing, s’il est actuellement mis en cause par certains, révèle
néanmoins des effets parfois spectaculaires, notamment chez les enfants autistes
les plus gravement auto-mutilateurs. L'article qui suit apporte un point de vue
complémentaire, basé sur le témoignage de patients adultes auxquels le
packing est appliqué pour accompagner le traitement de pathologies
différentes de l’autisme sévère, qui ne réduisent pas de la même façon leurs
capacités de communication.

 

 

 

 

 

Le packing fait actuellement l’objet de violentes critiques,
qui paraissent totalement irrationnelles aux professionnels qui ont pu pratiquer
cette technique, et en observer ou mesurer les effets, parfois spectaculaires,
notamment chez les enfants autistes les plus gravement auto-mutilateurs. On peut
certes douter de la bonne foi de certaines de ces critiques qui relèvent
davantage de la propagande politique que de la réflexion citoyenne ou
scientifique. Mais il ne faut pas méconnaître que, dans un certain nombre
d’autres cas, ces critiques sont, de bonne foi, fondées sur la légitime
inquiétude que peut susciter la description caricaturale faite par cette
propagande chez ceux qui n’ont jamais pu observer directement l’application de
cette technique. Pour ces critiques de bonne foi, compte beaucoup le fait que le
procédé soit appliqué à des enfants qui, du fait de leur trouble de
communication, ne peuvent généralement témoigner eux-mêmes, et sous une forme
audible par tous, des effets apaisants de cette méthode et des bénéfices qu'ils
peuvent en tirer pour réduire leur souffrance. C’est pour répondre à ces
interrogations et vérifier ces constats, pour l’instant impressionnistes, qu’a
été mise en place une importante recherche sur le packing dans
l’autisme, dans le cadre d’un Programme Hospitalier de Recherche Clinique qui
serait sans doute maintenant terminé, si ceux-là mêmes qui réclamaient des
preuves n’avaient pas déployé des efforts sans précédent pour faire obstacle à
son déroulé. Dans l'attente des résultats de cette recherche, il faut bien
reconnaître que la seule évaluation que nous avons de ces effets et de ces
bénéfices ne relève que de l'impression des professionnels qui les déduisent de
l’apaisement et de la détente manifeste qu’ils observent chez des enfants sous
packing et des éléments qu’ils recueillent en faveur de l’efficacité de
la méthode pour réduire les manifestations auto-destructrices, qui étaient
restées jusque-là inaccessibles à d’autres approches.

L'article qui suit apporte un point de vue complémentaire, à partir
de ce que disent clairement des patients adultes auxquels le packing
est appliqué pour accompagner le traitement de pathologies qui n’ont rien à voir
avec l’autisme sévère et qui ne réduisent pas de la même façon leur capacité de
communication et de relation. Aux professionnels qui leur appliquent le
packing et l’ont souvent éprouvé sur eux-mêmes au préalable, ces
patients disent, directement, leur vécu du packing et l'intérêt qu'ils
en tirent pour réduire leur souffrance et diminuer la violence qu’ils peuvent
avoir développée contre eux-mêmes.

Ce témoignage nous vient de Suisse, de l'une des institutions les
plus réputées et admirées de ce pays connu pour la qualité de son système de
santé. Comme on le verra, il annonce lui aussi le lancement d’une recherche à
laquelle il n’est pas interdit de participer - la compétence de notre Haute
autorité de santé
s’arrête heureusement à nos frontières.

Rien ne laisse penser que les enseignements tirés de ces propos ne
pourraient pas être vérifiés également en France si la HAS le
permettait, au lieu de s’en tenir aux reproches auto-réalisateurs qu’elle fait,
elle aussi, à notre discipline en lui demandant des preuves dont elle s’oppose à
la recherche… sans aucun argument scientifique pour fonder sa
position.

 

 

 

 

L’enveloppement thérapeutique ou pack

Raymond Panchaud* et Michel Miazza**

 

 

 

« Ce qu'il y a de plus profond chez l'homme, c'est la peau. »

Paul Valéry

 

 

Le pack, ou l’enveloppement thérapeutique, repose sur une longue
tradition des traitements psychocorporels en psychiatrie. Les développements
conceptuels à partir de la moitié du XXème siècle nous permettent de mieux
cerner le processus thérapeutique en jeu, de l’améliorer et d’en affiner les
indications et son déploiement clinique. Ce soin propose un cadre de soins
bienvenu pour les pathologies ou les décompensations qui ne se prêtent pas, ou
peu, aux cadres habituels de traitement. Winnicott a mis en évidence ce problème
de l’adaptation du cadre thérapeutique aux problématiques
« archaïques » en pointant les limites du cadre classique de la
psychothérapie, comme emblématique des thérapies verbales : « Freud
considérait la situation de maternage comme allant de soi, et je soutiens qu’il
s’en est servi afin de donner un cadre à son travail, presque sans savoir ce
qu’il faisait… Il
(Freud)s’est intéressé aux angoisses qui font partie
des relations interpersonnelles
» (Winnicott, 1954). Ainsi, qu’en est-il
pour tous ceux qui n’ont pu intégrer cette première expérience positive ? Pour
qui la question n’est pas la relation interpersonnelle, mais plutôt la
« (re)construction » d’un espace psychique ? Le pack peut
répondre en partie à cette problématique par le holding qu’il procure
de fait, tant par sa concrétude que par l’accompagnement systématique qu’il
propose.

 

De l’hydrothérapie à l’enveloppe psychique

L’enveloppement thérapeutique est une très ancienne technique de soins connue
en France depuis le XVIIème siècle. À cette époque, il faisait partie de
l’hydrothérapie - on parlait de balnéation. Au cours de l’histoire, diverses
variations techniques ont vu le jour sans s’éloigner grandement de l’essence du
soin, l’enveloppement. Magnan en fait encore l’éloge à la fin du
XIXème siècle : il proposait les enveloppements pour les patients
maniaques. Cette approche s’est progressivement perdue, probablement avec
l’espoir qu’ont inspiré de nouvelles techniques de soins au début du
XXème siècle.

On doit aux psychanalystes américains d’avoir retrouvé un intérêt pour cette
technique psychocorporelle dans les années cinquante avec un nouvel éclairage
sur l’aspect « enveloppe psychique » et l’accompagnement relationnel qui
caractérise ce nouvel élan pour cette approche psychocorporelle. Du coup,
l’aspect « enveloppe » vole la priorité à celui de l’hydrothérapie qui prévalait
jusqu’alors. Le retour des enveloppements en Europe s’est fait grâce à Michael
Woodbury qui exerçait à Washington dans la fameuse clinique de Chestnut Lodge,
spécialisée dans le traitement des schizophrènes. Paul-ClaudeRacamier lui a
proposé de venir travailler avec lui à la clinique des « Rives de
Prangins
» près de Nyon en Suisse. Il a retracé son expérience et les
excellents résultats cliniques obtenus avec des patients très perturbés dans son
article « L’équipe thérapeutique » (Woodbury, 1966). Après quelques
années d’exercice dans cet établissement, les deux compères vont partir pour
Paris, dans le XIIIème arrondissement, et c’est ainsi que cette
technique des enveloppements est de retour en France.

Dans les années soixante-dix, cette « nouvelle » technique arrive à
l’autre bout du lac, à Vevey, à la Fondation de Nant, grâce à un infirmier, Jean
David, qui en avait fait l’expérience personnelle pour des raisons somatiques.
Avec la complicité du Dr Claude Miéville, directeur médical, et du Dr Nicolas de
Coulon (futur directeur médical de la Fondation de Nant et qui en fera le sujet
de sa thèse), les packs viennent compléter l’arsenal thérapeutique des
approches psychocorporelles avec les massages et la relaxation. La référence
première est le concept de holding de Winnicott, puis celui de la
contenance psychique. Cette technique de soin est vite investie tant par les
patients que par les soignants et se pratique avec les adultes et les personnes
âgées. Cet enveloppement se fait toujours avec le consentement du patient, en
aucun cas il s’agit d’une mesure de contrainte.

Il existe des variantes dans la technique d’enveloppement mais
habituellement, le pack consiste à envelopper le patient, nu ou en
sous-vêtements, d’abord dans une serviette pour le torse, puis encore dans un
drap pour le reste du corps à l’exception de la tête. La serviette et le drap
ont été préalablement trempés dans l’eau froide et essorés. Une couverture et un
duvet viennent compléter l’enveloppement. L’expérience montre que lorsque la
température initiale des draps est inférieure à dix degrés, le gradient de
réchauffement du corps est plus important. Dans notre setting, pendant
l’entier de la séance, deux soignants - classiquement un médecin et un infirmier
- accompagnent le patient de chaque côté et restent en contact visuel. C’est sur
ce point qu’il y a le plus de variantes techniques : le nombre d’accompagnants
notamment, ou la présence d’un observateur.

 

Enveloppements de soutien et d’élaboration

Nous posons deux indications principales de packs : les
enveloppements intensifs « de soutien » lors de décompensations aiguës
et les packs « d’élaboration », offrant un cadre clinique à un travail
d’intention psychothérapeutique.

Le pack de soutien

Les packs de soutien sont un soin intensif dans le sens où les
séances sont quotidiennes et concernent des patients en situation clinique
aiguë. Ils visent un soutien psychosomatique en référence au concept de
holding de Winnicott « À ces débuts, le bon environnement
psychologique est un environnement physique. »
L’accompagnement des deux
thérapeutes procure un soutien relationnel par leur présence bienveillante et le
travail de contenance psychique qu’ils opèrent. Ce soutien est renforcé par
l’apaisement que procure l’expérience corporelle de détente de l’enveloppement.
Il existe également un soutien en lien aux fonctions de milieu de John G.
Gunderson,par l’intérêt et la relation authentique qui se noue et qui donne de
la valeur (objet d’attention) au patient. Ces packs quotidiens
s’effectuent avec un tournus de tous les membres de l’équipe soignante pour
assurer la séance quotidienne. Ils se tiennent de chaque côté du patient, de
façon à être facilement en contact visuel. La durée des séances est généralement
de vingt minutes à une demi-heure, mais peut être prolongée en vertu des
situations cliniques. Celle du traitement est bien entendu variable en vertu des
besoins individuels et de l’évolution clinique, mais elle s’étend habituellement
sur une dizaine de jours. Quelques fois, une seule séance pour apaiser une
situation d’urgence.

Pour suivre Winnicott, les problématiques archaïques et les troubles
d'intégration semblent faire écho aux expériences infantiles précoces de
holding et d’environnement. « Le facteur de
l'environnement a une signification particulière dans l'étiologie de la
folie.
» Psyché et environnement seraient donc confondus comme le physique
et le psychologique dans la prime enfance. L'utilisation du corps et de
l’enveloppement fait écho à cette hypothèse. Toujours en suivant Winnicott sur
le développement psychoaffectif, certaines circonstances peuvent bloquer le
processus de maturation qui est alors « gelé », selon ses termes, et ne
peut plus grandir. Cependant, l'instauration d'un environnement de soin
facilitant (holding) peut opérer une reprise évolutive, une expérience
maturante. Cette expérience de holding est le premier jalon de la
psychogenèse grâce à la « préoccupation maternelle primaire » de la
mère, qui lui permet par empathie de répondre aux besoins de son enfant.

Nous pouvons tirer de cette expérience primaire une extension pour les soins
dont une traduction clinique est l'utilisation du corps par un holding
thérapeutique concrétisé par le pack. Le patient fait l'expérience
d'être tenu, contenu, par l’enveloppement des draps, l’attention et la relation
des accompagnants. En cas de décompensation aiguë, le holding devient
une priorité, un besoin très intense, le premier et le principal objet du soin.
Le holding est le moyen et la fin, le soin et son objectif. Il va
permettre de diminuer la souffrance psychique aiguë par le travail de contenance
opéré concrètement et symboliquement (travail psychique des soignants). Il est
notamment bienvenu lors d'éclatement psychotique dans lequel les limites du
dedans et du dehors sont rompues, où plus rien – ou si peu - n'est contenu
(pathologie du contenant).

Combien de fois avons-nous procuré aux patients maniaques la possibilité de
se "poser" le temps d'une séance ? Combien de nuits apaisées par cette
expérience de limite, d’accompagnement naturel, de sentiment de sécurité, de
contenant apaisant ? L'intention première est de soulager la souffrance
psychique aiguë. Quelquefois, la possibilité de faire un pack est
laissée à l'appréciation de l'équipe en charge (réserve) et il n'est pas rare
que, par exemple, l'équipe de nuit l’utilise si une situation clinique se
détériore ou pour accueillir une urgence. C'est une alternative supplémentaire à
la gestion de situations cliniques aiguës nécessitant un holding
intensif, une contenance relationnelle soutenue.

Le pack d’élaboration

Pour les packs d’élaboration, ce sont toujours les deux mêmes
soignants qui assurent l’accompagnement et le travail relationnel. Mais ils sont
formés à ce type de travail relationnel et ne sont pas remplacés en cas
d’absence à la manière d’un setting de psychothérapie. La séance de
pack est de même durée qu’une séance de psychothérapie et elle devient
l’espace de traitement individuel d’un projet thérapeutique global impliquant
d’autres activités thérapeutiques (travail de milieu, ergothérapie, entretiens
familiaux, médication, etc.) Si la cure de pack débute dans
une unité, de crise ou hospitalière, elle peut se poursuivre au-delà de cette
unité pour devenir la thérapie individuelle, le temps nécessaire à son
déroulement.

Même si la question du holding reste un élément fondamental de
l'indication du pack, il peut s’ouvrir à une forme plus psychothérapeutique.
C’est fréquemment de cette manière que se poursuivent les cures de
packs quotidiens de soutien. Il s’agit d’un moyen pour mettre en œuvre
une forme de psychothérapie où une élaboration de la problématique est
recherchée et travaillée. Le pack « d’élaboration » devient
alors le cadre pour un espace psychothérapeutique individuel. Comme pour une
psychothérapie, le cadre est posé avec des séances de même durée : 45 ou 50
minutes et un nombre fixe de séances hebdomadaires. Ce « pack cadre »
est ce qui « contient les constantes à l'intérieur » (Bleger) et
devient « l'assise dans laquelle le processus thérapeutique se
déroule
» (Bleger). L'expérience corporelle vient en appui au processus
psychothérapeutique. La limite corporelle peut donner une représentation pour se
figurer l'espace psychique pour aller dans le sens des développements de Didier
Anzieu sur le « Moi peau ». Cette même limite corporelle est
l’opportunité de travailler sur le dedans et le dehors, opération très utile,
compte tenu des pathologies du contenant que nous rencontrons en phases aiguës
et dans les problématiques dites « archaïques ». Par ailleurs, cette
limite protège aussi en occupant un rôle de pare-excitation par filtre des
échanges. Les valences contenantes du pack, ajoutées à celles des
thérapeutes, (contenance relationnelle) facilitent l’accès au monde interne du
patient. Ce travail fait référence au concept de « container » de Bion,
indispensable à la possibilité de penser qui fait souvent défaut dans la
psychose. Il s’agit pour le soignant d’être le dépositaire « actif »
(travail psychique des soignants) des angoisses et autres projections du
patient. Ainsi, le thérapeute va transformer activement (travail d’élaboration,
de métabolisation) ces éléments (b) psychiques bruts en éléments (a) sensés,
structurés, représentables, qui seront ainsi reintrojectables pour le patient.
Ce processus relationnel peut lui permettre de se réapproprier ces parcelles de
lui-même sous une forme « acceptable », donner un sens à sa
décompensation et à sa problématique.

Le pack peut également être considéré comme un objet transitionnel
qui tient en même temps relié et séparé le patient à ses thérapeutes. Pour ceux
qui ont peu de capacités élaboratives, cet espace est aussi un objet qui leur
permet de parler de leur relation à leurs thérapeutes : il est chaud,
réconfortant ou au contraire froid, désagréable, etc. C'est un
setting qui met un peu de jeu et distance entre les protagonistes. Le
fait d'être deux thérapeutes offre des leviers thérapeutiques riches aux
patients et aux thérapeutes : possibilité de parler entre soignants, modèle
relationnel, méta-communication, dramatisation, travail sur l'absence en direct,
soutien, etc. Le pack est lui-même entouré par les autres
prestations du projet thérapeutique, mais surtout par la supervision
systématique qui est organisée. C’est également ce qui en fait un soin prisé et
investi par les soignants.

 

Conclusion

Cette approche psychocorporelle est très appréciée des patients qui en
bénéficient et des soignants qui la pratiquent. L’enveloppement offre un cadre
de traitement permettant une bonne contenance, c’est une part importante de son
originalité. Cette approche facilite un travail relationnel et
psychothérapeutique bienvenu avec des patients en phase aiguë, ou qui ne peuvent
pas bénéficier d’une psychothérapie classique. L’aspect concret du soin corporel
est très rassurant, il donne une représentation positive du soin psychique.
C’est également l’opportunité pour les soignants de réaliser un travail
psychothérapeutique et de bénéficier de supervisions. Le pack est
généralement investi très positivement par les soignants, ce qui participe au
fait que le patient peut l’investir à son tour et s’en trouve le principal
bénéficiaire. Ce qui peut apparaître à première vue comme une
« vieillerie » retrouve un regain d’intérêt et un avantage par son côté
naturel, alternatif et humaniste.■

 

 

 

 

 

Nous débutons une recherche quantitative concernant la mesure de l'efficacité
des packs en situation de soins aigus. Plusieurs établissements sont
déjà parties prenantes, mais nous sommes ouverts à d'autres collaborations à
venir pour ce projet. Si vous êtes intéressés pour participer, vous pouvez
contacter Raymond Panchaud, directeur des soins à la Fondation de
Nant
en Suisse :

Mél. : raymond.panchaud@nant.ch    Tél. : 00
41 21 925 27 27



09/07/2012
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