Entre intime et collectif: l'équipe de packing, la personne enveloppée et l'institution
Angers :Journée
de psychothérapie institutionnelle novembre 2009
Je vais vous parler
du packing
ENTRE
INTIME ET COLLECTF : L’ÉQUIPE DE PACKING, LA PERSONNE
ENVELOPPÉE ET L’INSTITUTION.
L’intime ,
c’est ce qui est contenu au plus profond de chacun. Quand ce dedans
est relié à d’autres, il s’agit d’intimité entre eux. Je
vais poser comme affirmation de départ que le packing conduit au
plus intime et chez la personne packée et chez ceux qui enveloppent.
Un intime à la fois enclos en chacun qui va se partager entre
packés et packants mais aussi entre les packants qui sont
interdépendants. Je reprends la phrase de J. Oury : «
le packant, packé remet en question le couple soignant, soigné,
voilà pourquoi il y a tant de résistances…. Par
commodité, pour cet exposé, la personne enveloppée sera nommée
« le packé » et les enveloppants seront les
« packants .
Concernant
l’intime, dans nos lieux de soins se côtoient les manifestations
opposées :Car si souvent il se répand, se hurle, se chuchote,
on entend des récits très crus, ou déguisés en délire, la même
personne protègera des zones de réserve extrême .Il y a aussi
l’intime de chaque groupe constituant le collectif : par
exemple l’histoire du groupe des anciens , les histoires
interindividuelles, l’élan d’une petite équipe autour d’un
malade enfant ou adulte, intime par lequel , bien sûr les malades se
sentent concernés.…
Mon exposé
va donc suivre ces interrelations, par associations de réflexions
autour de ce qui surgit dans le collectif, l’institution et chez
les malades qui sont enveloppés dans les packs ?
J’ai
rencontré le packing il y a 30 ans et cela été une surprise dans
ma pratique en psychiatrie :je découvrais que
pour une rencontre psychique, il est possible de contacter les
personnes malades en les touchant. Et de
surcroît des personnes déshabillées. Le psychosomatique, éclairant
l’origine ou la composante psychiques des maladies physiques, nous
était évident depuis longtemps. Mais je découvrais alors qu’on
pouvait soigner le psychisme en approchant le corps et en étant
attentif aux signes manifestés. Je savais pourtant qu’on calme un
bébé en le prenant dans ses bras, porté en sécurité affective,
physique et psychique1 !
Mais il n’était pas encore de mise, dans notre milieu lacanien, de
penser que c’est le bébé fragile en la personne malade qu’il
faut contacter et porter (ce que Winnicott dénomme handling et
holding), Déjà les nombreuses activités de la vie
institutionnelle nous mettaient en proximité corporelle avec les
personnes, mais nous n’y étions pas attentifs à la
microséméilogie de ce que chacun manifeste dans sa corporalité,
reflétant ce qui se passe dans son monde interne.
Le
packing n’est pas un soin corporel,même si tout le corps est
enveloppé.
C’est
un dispositif psychothérapique pour permettre d’aller à la
rencontre de la personne souffrante quand les autres approches
psychothérapiques ne sont pas possibles ou ne suffisent pas. Il
n’est pas une alternative au massage où le thérapeute apporte un
toucher codifié, avec un résultat attendu d’un mieux-être . Dans
le packing, nous sommes dans la position du psychanalyste. En
place de supposé-savoir nous proposons un accueil sensible aux
signifiants exprimés –dans l’ici et maintenant- par la personne
enveloppée. 2
. Nous ne pouvons prévoir ce qui se passera.
Pour se préparer à cette disposition d’accueil inhabituel (même
chez la plupart des psychothérapeures et analystes), la formation va
privilégier de développer la qualité de notre accueil-écoute à
toutes les expressions : souffle , mimiques,mouvements,
sons.
Ëtre
en mesure de ne pas questionner, pour saisir les occasions
fugitives qui permettent, au packé, non pas de raconter, mais
d’exprimer ce qui advient dans « l’ici et maintenant ».
Rester présent en particulier pendant le silence . Puis au sortir
draps, pour aider à reprendre pied dans le monde extérieur, encore
enveloppé dans le drap sec et chaud, on propose un mode
d’expression différent par une représentation de ce qui a été
vécu : dessin ou un squiggle3.
A ceux à qui c’est possible, bien sûr. On passe ainsi du
sensoriel à la représentation.
Je
précise ainsi qu’il ne s’agit pas seulement de rendre la
personne
accessible,
derrière la barrière de contact, en changeant l’environnement et
le climat par l’enveloppement et le choc au froid., car bien
sûr le choc au froid suivi d’un réchauffement rapide permet de se
défaire de ses
protections
pathologiques ou inefficaces, il s’agit d’être avec ensemble,
d’aller à la rencontre.
Au
point de vue institutionnel avec le packing, l’équipe
retrouvait la responsabilité d’une cure centrée sur le monde
interne, l’intime du malade, responsabilité dont ils étaient
privés depuis la cessation des cures de Sakel. Depuis lors, les
cures concernant l’intime se déroulaient dans les bureaux des
médecins et psychologues : et les infirmiers, les aide
soignants, les éducateurs, les kinés etc peuvent y assister, mais
n’y sont pas en situation de responsabilité.
Alors
que peut-il se passer dans ce packing ?
On
découvre les uns et les autres, un intime d’une autre teneur . La
plongée en soi est soutenue par la relation particulière
transfert-contretransfert,.
J’
explicite ceci par ce témoignage d’un homme à qui les packs ont
été proposés après plusieurs graves accès mélancoliques
délirants :
« le
pack, c’est quelque chose de nu, pas seulement quelque chose de
corps , il ne peut y avoir des gens autour qui soient spectateurs.
Toi et Didi, c’est vous qui m’aidiez à me mettre à nu.
C’était bon. Quand je disais que j’étais comme du lait dans un
bol blanc, c’est quelque chose d’intime, on est intime avec soi.
Une grande intimité au-delà de la parole. Une grande proximité. On
peut tout sentir sans raisonner. Dans le pack, l’extérieur c’était
les draps. D’habitude l’extérieur ce sont mes idées
torturantes ».
Vous
avez repéré que ce « c’est quelque chose de nu », est
bien en deçà du déshabillé d’une personne ayant ôté ses
vêtements. Pour appuyer ceci, j’évoque une situation concrète :
on rencontrait fréquemment, Marianne, très dispersée, déambulant
nue dans le couloir du service. Cependant lors de ses premiers packs
,à notre surprise, elle a préféré rester vêtue : nous avons
compris qu’elle savait qu’il s’agissait d’un autre affaire.
C’est
pourquoi, du fait de cette ouverture à l’intime, dans une équipe
de packing, une démarche personnelle indispensable anime chaque
soignant. Il s’est déterminé et engagé dans ce soin. Entrer
dans l’équipe est une décision qu’on ne peut imposer. Elle
entraîne de façon corrélative un enrichissement personnel, un
nouvel intérêt dans le soin. Cette nouvelle position peut
« déranger » le mode de vie consensuel du groupe des
soignants. On change de registre, il faut donc retisser les liens,
les entours car il peut en découler des embarras ou des difficultés
avec les autres membres du collectif soignant. Si certains vont
participer à une formation en stage, avec des mises en situation et
le vécu d’un pack.. A leur retour, leur enthousiasme et le
changement dans leur position soignante risque de déclencher
résistances et clivages : il va falloir s’ajuster les uns aux
autres.
Car
ils ont bénéficié à leur tour de cet accueil extra-ordinaire,
émerveillés d’être sujet de tant d’attention. Car dans le
pack,toute la personne est prise en compte simultanément :
son corps, sa psyché, son affectif, son esprit. Comment y
arrive-t-on? la personne va être enveloppée, de draps mouillés,
ou parfois secs. Mais aussi enveloppée d’attention et avec
respect. Enveloppée de bras-draps.
L’oeuvre
de Winnicott est importante pour étayer ce travail.4
Il décrit avec finesse les premières relations du bébé avec son
environnement. Le processus de personnalisation se réalise quand la
psyché vient habiter le corps : c’est le résultat des
contacts manuels (appelés handling) de la maman avec son bébé
quand il a besoin d’être bien porté (holding).
C’est
le temps de la dépendance absolue quand la mère (non déprimée
ou non psychotique) est dans un état de préoccupation maternelle
primaire. C’est cette dépendance absolue qu’on propose dans
le pack, ce qui par voie de conséquence demande une fiabilité
absolue de la part des psychothérapeutes-packants. Ceci permet une
régression à la dépendance et ainsi de répondre aux besoins
exprimés, dans le pack
L’Haptonomie
a aussi considérablement ouvert notre pratique du packing en
développant la capacité de présence à
l’autre,5.
Etre présent à l’autre dans son intégralité, des pieds à la
tête, sans oublier sa tridimensionnalité permettra de contacter
la personne et non d’appliquer les mains sur un corps.
.
Primordiale,
cette qualité de présence amène l’équipe à affiner sa
sensibilité à ce qui se vit et chez la personne « packée »
et chez les membres de l’équipe « packante . Un
collègue, Noé, précise « seulement d’être-avec ça
suffit » . Être-avec, c’est-à-dire
ouvrir toutes les écoutilles. Surtout ne pas faire la conversation.
D’où la remarque d’une autre collègue: « depuis qu’on
est dans l’éprouvé, on ne supporte plus que ça raconte »
Car on est tenté que : « ça bavarde » pour passer
le temps et être assuré qu’on a fait quelque chose : il est
difficile de rester à plusieurs en silence , juste attentif à
rester- avec et repérer ce qu’éprouve le packé et ce qu’on
éprouve soi, packant, dans toute sa personne : sa corporalité,
son affectif, ses pensées. Le chemin vers l’éprouvé intime se
trace dans la rencontre créative des présences, celles de
l’enveloppé comme de ceux qui enveloppent. Cette rencontre ouvre
vers ce « territoire d’être » nouveau . Un repère
temporel s’installe, du sens peut advenir.
Il
est nécessaire d’être préparé à cette approche, sinon le
packing risque d’être laborieux , parfois ennuyeux pour le
personnel et insuffisant pour le malade. Je dis insuffisant, mais pas
inutile, car celui-ci aura pu vivre un moment tranquille où,
rassemblé, il aura bénéficié de la disponibilité de deux ou
trois packants rien que pour lui.
Pour
cela l’équipe de packing doit être soutenue,reconnue dans sa
parole, son « parle-être », pour évoquer ce vécu avec
une personne qui s’intéresse avant tout à nous soignants et à
ce que, de notre place, nous vivons dans les packs. Parfois, on
« déguste » comme dans la vie institutionnelle, mais pas
de la même manière. Aussi un « superviseur » qui n’est
pas mobilisé dans la thérapeutique du malade packé, accueille nos
inquiétudes, nous porte, et aide à s’autoriser à cet « être
avec ». Ce psychanalyste accueillera les packants avec sa
« rêverie maternelle » (notion de Bion) et leur ouvrira
son espace psychique comme ceux-ci l’ont fait pour le packé. Et
respirer un certain air ensemble, celui de « l’ambiance »
permet de médiatiser nos folies communes.
III-Ceci
m’amène à parler de la possibilité à travailler l’intime
suivant l’état du collectif. SI celui-ci se sent en sécurité
et protégé par la hiérarchie, un petit groupe peut se mettre en
situation d’aller au delà de « tout est calme, rien à
signaler » pour rencontrer le malade, ses éprouvés, peut-être
l’enfoui jamais évoqué et qui étouffe. Cela pourra paraître
inutile, même dangereux, à une part du collectif pour qui les
activités fonctionnent, le club se réunit, les agités sont dans
leur chambre d’isolement, les médecins sont là : ça tourne,
que vouloir de plus ?
Il
faut s’assurer du soutien affiché de la hiérarchie infirmière et
médicale. Et simultanément travailler à l’adhésion puis la
participation solidaire des collègues. ..
Voici
l’ histoire de l’évolution du statut de l’équipe de packing
suivant les avatars des changements institutionnels (médecins et
cadre infirmier) dans le secteur Xyz. Un petit groupe d’infirmiers
s’engage dans l’équipe de packs, il y a plus de dix ans. Deux
infirmiers se déplacent en stage.. Un climat de confiance
prédominait dans le collectif. Et les packs étaient initiés par le
chef de service avec la participation encourageante du cadre sup.
Mais, quand ces personnes de la hiérarchie ont quitté
l’institution. Bien que soutenue pas la supervision, cela a été
rude de tenir bon dans cet engagement On sentait que le packing
n’était plus à l’ordre du jour pour une bonne part de l’équipe
médicale6
et infirmière. Je me trouvais soutenir un bastion d’irréductibles
qui se sentaient niés dans le sérieux de leur engagement.
En
voici un exemple : Jérémie, malade schizophrène, qui, se
vivant multiple, était dans une instabilité psycho- motrice
angoissée et fugueuse, toujours à la recherche de plusieurs parties
perdues de lui : les packs étaient une heure de répit et de
rencontre avec lui-même et avec les « packants » :
il se sentait enfin un. Une nouvelle cure venait de commencer avec
une meilleure organisation, qui permettrait la régularité
donc fiabilité des séances. Son médecin avait approuvé cette
entreprise, il a cependant brusquement fait sortir Jérémie dans une
réaction d’humeur adressée à sa mère .celle-ci accusant le
service d’être incapable de soigner son fils. …
C’est
pourquoi, après que les crédits pour payer ma venue n’ont pas été
renouvelés, la hiérarchie médicale et infirmière a préféré
laisser filer la situation, et laisser tomber l’équipe de packs.
C’est alors qu’une psychologue du service a décidé de s’engager
dans l’équipe, d’y participer et d’assurer la
responsabilité de leurs réunions de réflexion : l’équipe
était enfin pluridisciplinaire. Pour continuer le travail de
réflexion, cette psychologue est venue seule aux réunions assurée
dans un autre hôpital, Avec l’arrivée attendue d’un nouveau
chef de service: l’ambiance a changé. Les nouveaux changements
institutionnels ont donné aux membres assidus de l’équipe de
packs la liberté de sortir de leur réserve et laisser se
développer cette qualité de Présence qu’ils ne pouvaient plus
s’autoriser à ce point sans risque de nouvelles déceptions et
pour les malades et pour eux … Depuis, les cadres de deux
secteurs ont collaboré pour que soient établies et pérennisées
des réunions de travail-supervision communes aux équipes des deux
sites éloignés.
IV-Ainsi,
un collectif institutionnel protecteur permettra d’oser s’approcher
pour accueillir l’intime que la personne elle-même ne connaît pas
encore.
J’ai
parlé d’accueillir ce que Winnicott nomme « psyché-soma »,
et claudie Cachard nomme « corps-psyché »..En voici une
vignette explicative :Noé et ses collègues arrivent à la
réunion, juste après un pack de Bernadette. Ils sont encouragés
dans leur démarche car celle-ci découvre, s’étonne,
s’émerveille qu’elle peut, enfin, se sentir vivante,
(alors qu’à la piscine, où on se trempe aussi , elle ne se
sent pas vivante) . Réfléchissant en quoi l’attitude de
l’équipe a permis cela, Noé dira : « seulement
d’être-avec, ça suffit, c’est Bernadette
qui nous a permis ça : faire la différence
entre être-avec et prendre soin ». Bien sûr,
on prend soin dans le pack (le care ), mais c’est indissociable
d’être-avec. Ce que Noé aborde-là, c’est sa position
contretransférentielle, et signifie qu’il se situe dans relation
où le tranfert est pris en considération.
Ceci pose
tout de suite la dimension de l’intime dans ce qui se vit dans le
pack, pour chacun. Une interrelation baignée dans l’intime peut
s’installer, si on le permet, interrelation où les deux parties:
packé, packant, vont être modifiées par ce qui se vit avec un
telle acuité. Et même, quand Astrid dont les premiers mots à
chaque pack étaient « ça ne me fait ni chaud ni
froid », cela lui permettait un « être ensemble »
bienvenu puisqu’elle arrivait à temps à l’hôpital ce jour là.
Elle qui était dans un isolement farouche et délirant , ce qui la
faisait rester des journées claquemurée , après avoir jeté
vêtements, papiers d’identité et nourriture, Ainsi,on plonge peu
resteront resteront au bord., c’est pourquoi il faut veiller à ne
pas se perdre seul ou ensemble.
A cet
égard, la position des psychologues et des médecins est moins
difficile : ils ne sont pas huit heures consécutives dans la
mêlée. C’est pourquoi, ils peuvent être tentés de pousser
l’engagement trop rapidement par passion clinique. Alors que
l’équipe infirmière a besoin de respirer.
Il
faut être prêt intérieurement, sujet désirant, pour un tel
engagement: car on se mobilise pour aller chercher quelqu’un au
fond de son puits., derrière sa cuirasse musculaire qui va fondre,
ou sa forteresse qui n’est pas que vide. Cela peut déclencher de
la douleur chez tous, surtout chez les soignants. J’évoque ici les
packs de Callixte qui ont fait se poser beaucoup de questions
nouvelles à son équipe de packing. A tour de rôle les infirmières
le vivaient de façon diamétralement opposée : « elle
nous ballade, je viens travailler à reculons le jour de son pack »,
« non ce qui se passe est très intense bien sûr mais elle
nous fait confiance et on avance ». Callixte évoquait des
drames de son enfance dont des relations incestueuses. A la réunion
suivante, ce n’était plus la même infirmière qui était lassée.
Mais Louise, l’infirmière qui était, elle seule, restée dans une
présence confiante , s’est sentie bousculée quand le médecin
l’a poussée à suivre Callixte plus loin encore. Elle répond,
« Callixte met en nous ce qu’elle ne
peut éprouver 7
et si on remue cette vase, il faut se donner, à elle et à nous, un
verre d’eau fraîche ».
Pour
supporter un tel investissement, organisons une pause. C’est une
des raisons pour lesquelles se sont organisés des packs
séquentiels. Sept ou onze séances sont prévues, puis, on fait avec
le malade et entre soi. S’il y a une prochaine séquence,
quelqu’un peut se retirer, ce qui aidera la personne packée à
se sentir moins laissée tomber . Il est plus aisé d’établir un
pont avec le reste du collectif lorsque se discute l’opportunité
de reprendre « une série ».
V_
Ce qui permet de rester dans la qualité de présence requise
pour vraiment être là dans une situation très difficile :
nous sommes dans une identification partielle avec la personne
enveloppée.
C’est
le psychiatre psychanalyste italien, Gaetano Benedetti, qui a
nommé sujet transitionnel ce qui se passe alors entre le
« malade » et le psy. pour qu’il soit possible de se
rencontrer.Voici comme il le présente :
L’indentification
partielle du thérapeute avec le patient est perçue immédiatement,
tant par le second que par le premier. Elle conduit à une
identification symétrique du patient avec l’image que le
thérapeute, en s’identifiant, dessine de lui. Manifestement, de
tels phénomènes
Surviennent dans un espace qu’on pourrait appeler
l’inconscient thérapeutique commun et que seule
l’intuition du thérapeute peut entrouvrir.
Cet inconscient thérapeutique commun est le cadre dans lequel
s’esquisse ce que j’appelle le « sujet transitionnel ».
Et
bien sûr,pour se permettre cela, il faut être entouré et reconnu.
L’équipe
des Packs de Carmen a découvert ce vécu, c’était leur première
cure et cela leur est venu simplement . Carmen avait assumé une vie
sociale: nombreuses années de travail stable, mariage, divorce,
avant de s’effondrer au point d’être hospitalisée depuis
plusieurs années. Elle est comme écorchée. Aussi pour elle, toute
brise légère est une agression contre laquelle elle se protège en
attaquant soit elle-même en se mutilant, soit les autres. Cela peut
l’amener en chambre d’isolement.Pour se rassurer, elle a besoin
de s’approprier l’environnement de façon gênante pour celui-ci.
A table, il lui arrive de lécher le camembert commun. Devant cet
état très « autiste » dit l’équipe et la non réponse
aux divers thérapeutiques, les packs ont été envisagés. Comme
élément d’anamnèse, il y avait notion et d’un avortement
décidé en secret de son mari car elle ne se sentait pas capable
d’être mère et d’une famille s’opposant à tout projet de
sortie..
Son
premier pack qui était aussi le premier du service s’est effectué
dans son lit, habillée, enveloppée dans des draps secs. Ils
étaient trois packants : Comme toujours dans un pack, les pieds
de Carmen prenaient ainsi appui sur une soignante. Une confiance
réciproque et ce sentiment d’être ensemble les uns avec les
autres, se sont établis dès cette première séance. Aidée à se
rasseoir à la fin du pack, Carmen s’est posée un moment contre la
personne la plus proche. La personne aux pieds a continué à
soutenir les pieds pour aider Carmen à se préparer à retrouver sa
verticalité. Cette collègue était dans un tel échange de présence
que cet éprouvé est resté vivace bien après la fin du pack.
C’est
aussi cela l’intime, une rencontre intense et très profonde. C’est
pourquoi il faut prendre le temps et les moyens de la séparation :
par exemple un temps de vie sociale à la cafetaria. Mais comment
fait-on quand la personne retourne en chambre fermée ?.
Dans
la succession des séances, Carmen a pu éprouver un bon à être
avec les autres jamais vécu avant. Dans sa vie, jusqu’à
l’effondrement ayant nécessité l’hospitalisation, Carmen avait
réussi à tenir la route en gelant8
-comme dit Bion-la situation défaillante de l’environnement
maternel quand elle était bébé. Elle n’avait pu se remettre de
cet effondrement, le faux self avait croulé, elle restait le bébé
désespéré qui se croit mauvais puisqu’on ne prend pas soin de
lui, d’où les automutilations. Le pack était alors une bonne
indication car il a pu apporter une adaptation adéquate de
l’environnement9.
Mais
il va nous falloir assumer la fiabilité et la permanence que cela
nécessite de notre part..Voici quelques remarques et réflexions
à propos des positions et vécus des packants pendant le packing de
Carmen. Après une chute sa jambe étant plâtrée, les packs ont
continué avec des draps secs: une packante dit« avec
le plâtre, pas moyen de s’y mettre, je la sentais qui s’en
allait par la tête10.
Ce jour -là, j’ai posé la main sur son ventre. Voilà le
problème, ce n’est pas quelque chose qu’on parle avant,
on le sent au moment où on y est.
Instinctivement. Cela nous était venu à tous les trois. On rejoint
l’autre de façon instinctive ». Il
s’établit une cohésion intuitive de l’équipe.11
Et Carmen a demandé : « est-ce que vous décidez quand
vous mettez vos mains que vous les mettez toutes ensemble, à toutes
les trois ?
Ceci
nous amène, à nouveau, à la notion de sujet transitionnel créé
entre elles . Je continue à citer : « ce qui est
arrivé, c’est cette douleur de la maternité impossible :
elle n’a pas connu sa maman , n’avait pu être maman ;
elle pleurait, c’était difficile. Quand elle disait toutes les
trois, les trois : packants et packés sont sur le même plan.
Il y a eu deux séances, où nous étions très très portées, très
très touchées. Il y a des moments tellement puissants, et comment
on peut se relayer l’une et l’autre. C’est complètement
étonnant…/…Et je lui parle de chaud, de tendresse qui lui a
manqué. Ce sont des mots qu’elle peut entendre, peut-être s’en
nourrir, mais pas encore les dire….Mais si, dit une autre
collègue, elle a dit, c’est chaud, vous avez les mains
douces ». « Elle a dû avorter de peur de ne pouvoir
donner amour et tendresse et nous dit : est-ce qu’il n’y
a que les bébés qui ont besoin de tendresse ».
.. /…c’est vraiment ça le travail,, ça nous embarque,
on est toujours présent, on est toujours là avec elle,
complètement. On arrive à dire un certain nombre de mots que seul
on n’oserait pas, parce que l’autre est là, on ose, je
m’autorise ».
Pour
trouver ces mots justes qui viennent de l’intime des uns et
s’adressent.à l’intime de l’autre il faut s’être
suffisamment approchés. Se constitue alors une autre enveloppe :
l’enveloppe sonore qui sera faite suivant l’expressivité des
personnes de sons, de mots, de chansons, de phrases.. Il ne s’agit
surtout pas de presser de questions pour que nos oreilles cannibales
savourent le crû de la personne enveloppée, comme on presse
goulûment un tube de lait concentré, ni de lui donner des conseils
de bien penser ou bien se comporter.12
VII
--l’équipe et le collectif.
Maintenant
soulignée l’ampleur de l’investissement des
psychothérapeutes-packants, revenons à la place de ceux-ci entre la
personne
enveloppée et le « collectif » 13 ?:
Dans un lieu institutionnel où tous les intervenants sont au courant
de « l’histoire » et des histoires des personnes
accueillies, comment vivent-ils de rester à l’extérieur de cet
intime protégé,
secret Comment chacun,, les malades et les professionnels, va vivre
cette situation :
le
packing, psychothérapie individuelle , pratiquée par une équipe
plurielle, elle-même membre d’un collectif institutionnel. ?
En
énonçant ceci, on sous entend l’importance des relations entre le
dehors et le dedans de l’équipe de packing. Comment établir la
communication ? Il est si difficile d’expliciter cette
différence radicale de relation au corps de l’autre accueilli avec
sa coporalité et comme entité somatique. . Différence dans
l’attitude et dans l’extrême proximité du vécu commun de
l’ensemble packé-packant,. Quelle que soit la pathologie (malades
autistes, polyhandicapés, psychotiques, schizophrènes, névrosés)
le « packé » ne voyage pas seul. Avec les premiers
évoqués , autistes ou et polyhandicapés, il va être possible de
les rejoindre « là où ils sont » disent les packants.
Un jeu relationnel, subtil ,retrouvable à chaque séance va
s’installer, avec sons et sourires. Des objets internes vont se
constituer : l’enfant va cesser d’être plat, ou tube :
« avant il était comme une planche, maintenant je sens ses
fesses », « dés qu’il sait qu’il y a pack, il arrête
de geindre.
Aussi,
je reviens là sur la nécessité de pluridisciplinarité de
l’équipe : que tous ceux qui le souhaitent puissent entrer
dans l’équipe de packs, du moment qu’ils participent à la
supervision régulièrement. Tous ne le souhaitent pas et il y a
manière d’y participer en favorisant la disponibilité des
collègues du pack ou simplement en ne les empêchant pas .
Cet
étagement des différentes places dans le collectif,chacune étant
indispensable, peut se figurer comme une structure en pelure
d’oignon, La pelure extérieure c’est la vie collective
institutionnelle, avec le quotidien, le club et ses réunions., cette
vie collective indispensable pour contenir tous le reste, avec tous
les transferts du malade sur l’une ou l’autre structure. Puis en
dessous, les petits groupes thérapeutiques avec ou sans médiation.
Puis la psychothérapie individuelle, les entretiens avec le médecin.
Là, on arrive à la couche : « c’est mon, ou
son malade ».
Cependant,
là où se trouve le germe de l’oignon, le plus intime de mon point
de vue, c’est ce vers quoi le packing nous amène : nous
sommes passés de la vaste institution avec les nombreux lieux
d’investissement possible au packing, le plus petit espace de
séance, puisqu’il est à la dimension du corps de la personne. Le
cadre, c’est l’ensemble draps-bras que propose l’équipe
packante.. L’intime est dans le souffle retrouvé ou coupé,, la
température, les moindres mouvements des différents endroits du
corps, les sons, les regards, les tremblements, les mots inattendus,
et particulièrement le silence. La découverte du silence ensemble
avec quelqu’un qui ne cesse de délirer, ou qui respire
paisiblement nous amène loin du « il ne s’est rien passé
dans le pack ». On ne s’ennuie plus.
Les
packants sont très mobilisés, parfois enthousiastes,
parfois
bouleversés: ils vivent manifestement une expérience passionnante
qui les fait venir sur leur jour de repos, ou avant l’heure, pour
assister à la réunion et même parfois pour le pack.. Alors quels
vont être les effets institutionnels, surtout au début quand le
packing entre dans le collectif ?
Il
n’est pas aisé d’en bien parler avec les collègues du
collectif. Soit cela va les lasser, ils ont déjà assez avec ce
qu’ils vivent tous les jours avec ces mêmes malades. Soit cela va
créer une concurrence autour de l’intime : « avec moi
aussi, elle peut être calme », « à moi aussi elle avait
parlé de l’inceste ». Alors que ce n’est pas le
« raconté » qui importe, mais l’ici et maintenant de
la séance. Cette concurrence se produit avec ceux qui négligent
l’importance du multitransférentiel. On sait bien que les mêmes
mots énoncés à un autre ne sont pas chargés du même sens , a
fortiori quand on est situé avant les mots. Des cures de packing
souhaitées par l’équipe, n’ont pu se faire car le
psychothérapeute officiel du malade s’y opposait, estimant que ça
dérangerait leur travail. Leur contre-transfert possessif était
chatouillé : on allait leur prendre leur malade.
Et
comment ça parle des packs dans l’institution après plusieurs
mois ? Je cite :« Croient-ils qu’ils vont
miraculeusement réussir là où nous sommes embarrassés ».
« Que vont-ils changer chez ce malade » , « à
la fin de la séance, c’est nous qui l’avons sur les
bras.celui-là qui nous pose tant souci
A
ce sujet,que va-t-on faire avec le cahier de pack ouvert pour chaque
personne :il sert de liaison avec ceux qui n’étaient présents
à la séance pour permettre la continuité, puis pour y travailler
pendant les réunions. Certains voudraient le lire avec les
collègues pour rendre intelligible ce qui se vits : or on a
dit à la personne packée que ses packs sont son intime et que ça
ne sort pas de la salle de packs.
Ceci
amène la question de la transmission : « comment l’équipe
des packants tentent d’en parler ? Comment seront-ils reçus ?
Le discours de certains soignants vis à vis des packs peut être
ironique ou négatif ou interrogatif : mais qu’est-ce qui
se passe là dedans ? Des réunions seraient nécessaires
pour en parler , mais lesquelles : type synthèse ou plutôt
informelle ? Voudrait-on se protéger d’un intérêt vécu
comme curiosité intrusive ? Car l’engagement personnel des
packants est aussi à préserver pour permettre la continuité
créative et constructive du processus soignant.
Mais
surtout comment passer d’une position soignante à l’autre ?
Cependant,
quelle qu’en soit sa position, le collectif est souvent plutôt
favorable à ce packing. Mais quelle place occupe les packs ?
D’abord dans la grille des soignants : va-t-on
« griller » les packs ? Ou s’il n’y a pas assez
de monde tant pis pour le pack., « car ils prennent deux
personnes toute la matinée et pour une malade qui n’est qu’une
hystérique » « Ce n’est pas cela la psychothérapie
institutionnelle, on personnalise trop ». Ailleurs, le plus
important, c’est de faire sortir les patients ou les enfants en
promenade. C’est pourquoi, quand on s’inscrit dans cette équipe,
pour que cela fasse équipe et non un agrégat de privilégiés hors
circuit, il va falloir mobiliser beaucoup d’ouverture. D’où
l’importance en retour de la prise en compte dans l’organigramme
institutionnel. . Dans un foyer , où le packing fait partie du
projet institutionnel, ce n’est qu‘après sept années, qu’il a
été reconnu que le packing est un soin, donc s’il est
programmé et le rendez-vous donné , il est prioritaire sur toute
autre activité.
Je
vais terminer en parlant d’Annie-Paule dont la vie se partage entre
l’hospitalisation en service public où, maintenant elle bénéficie
de packs : (c’est sa troisième série de onze) et des
séjours en clinique de psychothérapie institutionnelle entre les
séries de packs..
L’
équipe de l’hôpital a constaté l’évolution d’Annie-Paule qui
jusque là criait comme un nourrisson oublié .Dans ses packs, elle
dit être comme un gros bébé. Son corps habité, c’est-à-dire
sa corporalité, est pris en compte, approché et enveloppé en deçà
de ses symptômes, c’est-à-dire comme celui de la personne qu’elle
est , avec tout ce qu’elle a vécu depuis sa conception : elle
peut exister sans hurler sa souffrance qui est reconnue puisqu’on
est arrivé à la panser-penser. Elle n’était que dans
l’accumulation de symptômes éprouvants pour l’environnement,
criant, affichant par sa posture voûtée, combien elle se sent
écrasée.. Elle commence à pouvoir éprouver sa vie de
souffrance et la parler sans crier, ainsi au groupe « parole »
elle peut parler , d’elle, jusque là elle ne parlait que des
autres . Et ses dessins, variés, illustrent ce qu’elle a
vécu.
C’est
un des effets du packing : passer des symptômes, certes
accessibles aux psychotropes, mais qui font barrière à la
communication pour avoir la possibilité d’accéder enfin à la
reconnaissance de sa souffrance. Le bébé Annie-Paule est enfin
consolé dans le pack, et ailleurs, dans le groupe parole, et dans la
clinique, elle retrouve l’usage de la parole à son compte,. Ce
qu’elle souffrait était d’avant la parole . Elle s’essaie
à parler avec tous, ceux du public et ceux du privé., avec ou sans
packs.
Ce
temps/espace particulier du packing doit être l’émanation du
collectif : c’est lui qui soigne. Les représentants
« engagés-privilégiés », de toute catégotie
profesionnelle, s’appuient sur l’autre partie contenante du
groupe soignant. Tout en gardant l’intimité de ce temps, quelque
chose doit pouvoir s’échanger avec le collectif. Ainsi leurs rôles
et compétences, en dehors du packing, mais faisant partie de
l’entour, sans lequel le pack ne pourrait se faire…et soigner
Juliette Planckaert
Août-novembre
2008
4
. Quatre articles principaux :
psychose et soins maternels, l’esprit et ses relations avec le
psyché soma, la menace d’effondrement., les aspects
métapsychologiques et cliniques de la régression dans la situation
analytique.
9
cf Winnicott : Les aspects métapsychologiques et cliniques de
la régression au sein de la situation analytique.in Psychanalyse et
Pédiatrie.
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