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encyclopédie Hachette 1987 le pack ou enveloppement humide

Extrait d'une encyclopédie
HACHETTE

1987

LE PACK
OU
ENVELOPPEMENT HUMIDE

 

Juliette PLANCKAERT

 

 

Le pack est un dispositif
particulier du travail psychothérapique. Les soignants enveloppent
le patient dans des draps mouillés et restent en contact psycho
tactile avec lui. Il s'agit d'une approche respectueuse et de
présence.

 

La pratique des packs s'est
développée dans le milieu psychiatrique dans les années 60, avec
l'évolution des soins liée à la psychothérapie institutionnelle,
la découverte des neuroleptiques, l'ouverture sur le travail
ambulatoire. Les soignants formés à cette approche, cette écoute
particulière doivent être convaincus de l'indication posée par
l'équipe dans le projet individuel de soins. Bien sûr, cela ne se
fait que si le patient adhère à la proposition de cure.

 

 

MODALITES DE LA SEANCE

 

Dans une pièce tempérée, avec
un radiateur pour chauffer le drap de l'après pack, on dispose un
matelas autour duquel le mouvement sera possible : le plus aisé est
sur le sol. Deux draps mouillés à l'eau froide suffisent. Celui
qu'on pose sur le matelas est étalé en longueur. L'autre, posé
transversalement dessus enveloppera les membres et le corps bien
individualisés, le patient s'étant allongé déshabillé, avec ou
sans son slip. Ensuite, on enveloppera la personne entière de la
tête aux pieds avec le premier drap.

 

L'enveloppement se fait
rapidement et soigneusement. Il doit être souple, adhérer doucement
à chaque relief du corps de façon à ce que la personne soit
entourée, contenue mais non ligotée, et qu'elle se sente libre. Un
soignant prend contact sousles pieds du patient avec les
mains, ou les cuisses. L'autre assis à côté, ou derrière la tête
posera les mains là ou le patient le souhaite, le plus souvent le
ventre ou les côtés, cette personne l "guidera" la

séance. Chaque fois que possible une troisième personne se placera
de l'autre côté ou(et) occupera la fonction de scribe

 

Le réchauffement est rapide ;
pas besoin de couverture. L'enveloppement humide dure 30 minutes
environ, mais varie suivant les personnes et les séances.

 

L'intensité du vécu de cette
situation exceptionnelle peut amener à abréger les premières
séances. Une telle situation rassurante est si inhabituelle qu'il
faut s'y apprivoiser : certains vont abandonner pour la première
fois des stéréotypies, compagnes de survie et on ne peut renoncer
trop brusquement à ces béquilles. Et si pour eux, apparaît une
lueur au bout du tunnel, il n'est pas nécessaire de les aveugler.
Pour d'autres, le temps de la séance est le seul répit, le seul
moment de vie et de rencontre et il leur faut s'installer
suffisamment dans ce souffle trouvé, en harmonie avec d'autres pour
qu'il en reste trace, et que s'amorce une continuité.

 

La personne sort du pack en se
glissant sur un autre matelas dans un drap sec et chaud. Parfois un
massage unifiant, ou une friction à l'eau de Cologne aide à
reprendre pied dans le quotidien social.

 

Un enveloppement serrée et sans
contact ni écoute n'a strictement aucun intérêt thérapeutique.

 

 

BASES DE TRAVAIL

 

. Il s'agit d'entrer en relation
psychothérapique quand la situation classique de l'entretien verbal
n'est pas ou plus possible, ou ne suffit pas. Car les packs seront
aussi proposés parallèlement à une autre entreprise de
psychothérapie psychanalytique, individuelle ou groupale. S'exprimer
et trouver une parole pleine s'avère une tâche épuisante voire
impossible à de nombreuses personnes : elles s'épuisent dans une
recherche de rencontre, butent sur des ruminations obsédantes,
s'égarent dans des rets délirants, luttent contre des impressions
psychocorporelles de morcellement, de destruction d'eux-mêmes et du
monde, sans élaboration possible.

 

L'enveloppement des draps et le
contact des soignants établissent un espace de séance support qui
accueille au plus prés la personne et sa souffrance. Si prés, que
l'espace de séance se limite à l'enveloppe des draps dans une
relation avec deux ou trois soignants chaleureux qui ne demandent
rien et resteront présents et accueillants. Dans cet espace de
séance réduit à la forme de son corps enveloppé, il est possible
au plus déstructuré, au plus effrayé, au plus menacé, de se
laisser approcher et d'entrevoir une relation avec un autre.

 

Cette situation crée rapidement
un profond sentiment de sécurité avec un ressenti de rassemblement,
de retrouvaille de soi tout entier avec sa pensée propre ou
d'abandon de la lutte. Les draps-bras, comme un grand pansement
rassurent.

 

L'accueil de ce qui est exprimé
: silence, mouvements, souffle, cris, sanglots sera en référence
aux principes psychanalytiques : reconnaissance du transfert et de
l'inconscient. L'expression verbale est souvent très différente de
l'accoutumée. Les personnes prolixes se reposent, et il est moins
nécessaire d'exposer les idées délirantes. Car après la plongée
dans les draps, et le choc bref du froid, on remonte à la surface
dans un ailleurs de soi.

 

 

 

 

Il importe de préciser que ce
n'est pas au corps biologique - corps qu'on a - qu'on s'adresse, même
si les réactions neurovégétatives ont leur importance réelle et
métaphorique : changement de mode de relation à l'environnement par
le brusque changement de température. C'est la personne dans sa
corporalité - la manière personnelle d'habiter son corps - qui est
enveloppée.

 

Le pack ne soigne pas le corps,
mais la personne. La parole qui surgit reflète bien ceci. "Le
pack, c'est une relation et c'est du chaud et des gens"
témoignera après une très longue cure une personne qui a pu ainsi
envisager de guérir d'un état psychotique. Pour une autre personne,
il permet, comme la combinaison du cosmonaute, des voyages inespérés.
Un homme éperdu et terrorisé dans sa souffrance mélancolique ne
pouvait s'arrêter de fuir, désordonné, a pu accepter une
proposition de cure de packs. Quelques années plus tard, poursuivant
sa psychothérapie analytique, il fait le bilan : "le pack,
c'est quelque chose de nu, pas seulement quelque chose de corps. Il
ne peut y avoir de gens autour qui soient spectateurs. Toi et X,
c'était vous qui m'aidiez à me mettre à nu. C'était bon. Quand je
disais que j'étais comme du lait dans un bol blanc, c'est quelque
chose d'intime, on est intime avec soi. Une grande intimité, au delâ
de la parole. Une grande proximité. On peut tout sentir sans
raisonner. Dans le pack, l'extérieur c'étaient les draps,
d'habitude, l'extérieur c'étaient mes idées torturantes". Une
jeune femme en écrit ceci : � c'est l'endroit où j'ai pu être la
plus vraie sans me sentir en danger". Et encore :" là, je
peux me sentir entière, tête et corps réunis. »

 

 

MAIS QUE SE PASSE-T-IL EN
ENTRANT DANS LE PACK ?

 

Les draps délimitent, c'est une
protection, bien circonscrite dont on sait qu'elle dure le temps de
la séance et qu'elle se répètera à la séance suivante. Et cette
assurance de pouvoir recommencer oblige à une grande rigueur de la
part des soignants : présence indéfectible.

 

Alors, ouvrir le dedans de soi
est possible sans avoir peur de le perdre. Car l'enveloppe des draps,
métaphore concrète contient tout. Plus besoin de faire l'effort de
se protéger ou simplement se maintenir puisque le pack le fait,
alors dans cet intérieur peut sortir et se mettre à nu le fond de
soi. Quel repos de cesser ainsi de lutter, sans peur de l'hémorragie
de soi, et laisser sans danger le mal s'écouler au lieu de le garder
coincé, figé.

 

 

Cette limite a une fonction bien
différente pour chacun : bien sûr, on ne pourra le préciser que
dans l'aprés-coup. Ce peut-être un pansement pacifiant qui calme
l'angoisse, la dépression mais aussi les douleurs psychosomatiques
(obésité, anorexie, migraines...) Ce pansement pour d'autres,
décollera les barrières prison des affects inélaborables qui
figent la pensée. Il peut enfin créer une première peau qui se
referme enfin et clôt dans une unité, avec un intérieur protégé,
contenu et un extérieur, celui qui jusque là ne se sentait que
bouts de corps. Et si on est perdu, on peut se retrouver.

 

Entre la double enveloppe, celle
des draps et celle des soignants, la souffrance n'est plus perdue et
mutilante, elle est accueillie. C'est dans cet espace qu'il sera
possible de parler sans délirer. Et il arrive qu'à peine
enveloppée, la personne se montre complêtement différente, avec
une liberté, une aisance inconnues des soignants qui ne la
connaissaient qu'enfoncée dans ses habitudes psychotiques. Le
bien-être, le bon à vivre est immédiat pour certains et presque
toujours trouvé en fin de séance. Ce sera sans plaisanter que la
personne se dira "lavée".

 

 

En entrant dans le pack, on peut
ainsi :

 

  • -changer d'état en changeant
    d'environnement: passée la plongée, on remonte à la surface et
    flotte dans sa rêverie-voyage en s'en remettant aux mains.

 

  • -connaître un espace temps :
    pour ceux qui vivent dans un monde figé, désert glacé ou brûlant.
    Quand toute tentative de contact est dangereuse, l'enveloppe
    médiatise le toucher et crée une situation claire, circonscrite :
    AVANT, PENDANT, APRES la séance. Il se créera un temps.

 

-Dès que possible, la
participation du patient à l'aménagement matériel de la séance -
avant et après - sera souhaitable.

 

 

 

OU SE REFERENT LES INDICATIONS
?

 

L'enfant porté dans le giron
maternel vit le plus souvent dans la sécurité. La naissance
l'introduit dans un monde oû les repères seront les soins apportés
à sa personne : soins affectifs et biologiques. On sait qu'ils sont
indispensables l'un et l'autre, et que le bébé est une personne.
Déjà en 1949, Winnicott écrit : "la partie du nourrisson que
j'appelle personnalisation a ses racines dans l'aptitude chez la
figure maternelle à adjoindre son engagement affectif à
l'engagement qui a l'origine est physique."

 

 

 

 

Pour le nouveau-né son corps
fait partie du monde extérieur dans un attachement indifférenciation
à sa mère. Quand les circonstances sont favorables, la peau devient
une frontière entre le moi et le non-moi. C'est à dire que la
psyché est venue vivre dans le soma et une vie psychosomatique
individuelle commence. Le bébé se sent bon et reconnu. Sinon,
l'être reste en proie au morcellement, aux persécuteurs, au vide où
il ne peut cesser de tomber sa vie durant. Souvent la détresse se
transforme en haine de soi et haine des autres.

 

Pour que l'enfant réalise son
individuation, se détache et ait droit à l'autonomie, il faut que
la mère se sépare, aidée en cela par le père. Si la mère reste
confondue à son enfant, il est confronté à 3 situations :

 

  • -soit
    de déshabiter son corps

  • -soit
    se construire un faux self

  • -soit
    tomber dans la psychose infantile

 

Dans les deux premières
situations, les personnes viennent consulter à l'entrée dans l'âge
adulte, quand elles sont dans l'impossibilité de remplir leurs
obligations professionnelles et de tenir une relation affective.

 

Pour les uns, leur fonctionnement
mental est devenu une chose en soi, remplaçant la mère, mais les
coupant du courant social. Leur psyché est séduite par leur esprit
et ils errent solitaires, toujours étonnés que leur désir ne soit
pas reconnu. Pour eux, les thérapies verbales s'enlisent dans un
discours où se perdent les deux partenaires. Dans le pack,
l'enveloppe sonore du discours, , ne sera plus indispensable. Le
relais est pris par les draps-bras: la personne se sent exister,
soutenue par la présence du soignant. le silence n'est plus le vide.
Le corps qui a été anesthésié, mutilé, oublié, maltraité,
drogué peut de nouveau être accepté comme BON. Bon à recevoir
l'être avec affects et sentiments, plaisir et chagrins dans son
unité et en voie de pacification. La psyché et le soma sont unis,
c'est la personne dans sa corporalité qui est rencontrée. Une
demande peut alors advenir, une parole adressée va naître. La
qualité de présence et le contact psycho-tactile développés dans
l'approche haptonomique participeront de façon essentielle à
l'enveloppement.

 

C'est pourquoi, c'est d'abord aux
personnes dont les troubles ont un ancrage prôverbal, archaïque et
une difficulté de contact avec l'environnement que se proposent le
packing: autisme, états mélancoliques, psychoses, états limites,

 

Dans le déroulement de cette
psychothérapie, les thérapeutes montrent effectivement leur
engagement curateur puisqu'ils vont proposer activement ce soin à la
personne souffrante qui pourra toujours, bien sûr, refuser.
longtemps les packs ont été le dernier recours quand l'équipe
soignante était dans l'impasse. Aussi Il s'y profilait, de par la
particularité inhabituelle du dispositif, un côté miraculeux.

 

Actuellement, les indications se
sont élargies. les écrits cliniques se sont multipliés: on sait
qu'il ne s'agit pas d'un traitement ocmportementaliste, ni d'une
contention. Beaucoup de textes se réfèrent explicitement à la
psychanalyse et en particulier à la notion d'espace transitionnel de
Winnicott. En étant suffisamment approchée pour pouvoir se séparer,
s'individualiser, la personne est en situation de pouvoir approcher
un bon d'exister en étant soi-sujet de son désir.

 

 

Car si le pack aide à flotter
ceux qui se sentent couler, il aide à plonger ceux qui restent figés
au bord de leur vie. Rendant sensibles des limites à l'intérieur
desquelles, on peut se mouvoir ailleurs que dans l'immensité et se
reposer d'être toujours sur le qui-vive.

 

 

Juliette Planckaert

extrait de l'univers corporel

encyclopédie Hachette 1987

 

 



16/12/2012
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