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"Packing" : expérience suisse et témoignage de patients adultes

"Packing" : expérience suisse et témoignage de patients adultes
Le packing, s’il est actuellement mis en cause par certains, révèle néanmoins des effets parfois spectaculaires, notamment chez les enfants autistes les plus gravement auto-mutilateurs. L'article qui suit apporte un point de vue complémentaire, basé sur le témoignage de patients adultes auxquels le packing est appliqué pour accompagner le traitement de pathologies différentes de l’autisme sévère, qui ne réduisent pas de la même façon leurs capacités de communication.
 
 
 
 
 
Le packing fait actuellement l’objet de violentes critiques, qui paraissent totalement irrationnelles aux professionnels qui ont pu pratiquer cette technique, et en observer ou mesurer les effets, parfois spectaculaires, notamment chez les enfants autistes les plus gravement auto-mutilateurs. On peut certes douter de la bonne foi de certaines de ces critiques qui relèvent davantage de la propagande politique que de la réflexion citoyenne ou scientifique. Mais il ne faut pas méconnaître que, dans un certain nombre d’autres cas, ces critiques sont, de bonne foi, fondées sur la légitime inquiétude que peut susciter la description caricaturale faite par cette propagande chez ceux qui n’ont jamais pu observer directement l’application de cette technique. Pour ces critiques de bonne foi, compte beaucoup le fait que le procédé soit appliqué à des enfants qui, du fait de leur trouble de communication, ne peuvent généralement témoigner eux-mêmes, et sous une forme audible par tous, des effets apaisants de cette méthode et des bénéfices qu'ils peuvent en tirer pour réduire leur souffrance. C’est pour répondre à ces interrogations et vérifier ces constats, pour l’instant impressionnistes, qu’a été mise en place une importante recherche sur le packing dans l’autisme, dans le cadre d’un Programme Hospitalier de Recherche Clinique qui serait sans doute maintenant terminé, si ceux-là mêmes qui réclamaient des preuves n’avaient pas déployé des efforts sans précédent pour faire obstacle à son déroulé. Dans l'attente des résultats de cette recherche, il faut bien reconnaître que la seule évaluation que nous avons de ces effets et de ces bénéfices ne relève que de l'impression des professionnels qui les déduisent de l’apaisement et de la détente manifeste qu’ils observent chez des enfants sous packing et des éléments qu’ils recueillent en faveur de l’efficacité de la méthode pour réduire les manifestations auto-destructrices, qui étaient restées jusque-là inaccessibles à d’autres approches. 
 L'article qui suit apporte un point de vue complémentaire, à partir de ce que disent clairement des patients adultes auxquels lepacking est appliqué pour accompagner le traitement de pathologies qui n’ont rien à voir avec l’autisme sévère et qui ne réduisent pas de la même façon leur capacité de communication et de relation. Aux professionnels qui leur appliquent le packinget l’ont souvent éprouvé sur eux-mêmes au préalable, ces patients disent, directement, leur vécu du packing et l'intérêt qu'ils en tirent pour réduire leur souffrance et diminuer la violence qu’ils peuvent avoir développée contre eux-mêmes. 
 Ce témoignage nous vient de Suisse, de l'une des institutions les plus réputées et admirées de ce pays connu pour la qualité de son système de santé. Comme on le verra, il annonce lui aussi le lancement d’une recherche à laquelle il n’est pas interdit de participer - la compétence de notre Haute autorité de santé s’arrête heureusement à nos frontières. 
 Rien ne laisse penser que les enseignements tirés de ces propos ne pourraient pas être vérifiés également en France si la HAS le permettait, au lieu de s’en tenir aux reproches auto-réalisateurs qu’elle fait, elle aussi, à notre discipline en lui demandant des preuves dont elle s’oppose à la recherche… sans aucun argument scientifique pour fonder sa position.
 
 
 
 
L’enveloppement thérapeutique ou pack
Raymond Panchaud* et Michel Miazza**
 
 
 
« Ce qu'il y a de plus profond chez l'homme, c'est la peau. »
Paul Valéry
 
 
Le pack, ou l’enveloppement thérapeutique, repose sur une longue tradition des traitements psychocorporels en psychiatrie. Les développements conceptuels à partir de la moitié du XXème siècle nous permettent de mieux cerner le processus thérapeutique en jeu, de l’améliorer et d’en affiner les indications et son déploiement clinique. Ce soin propose un cadre de soins bienvenu pour les pathologies ou les décompensations qui ne se prêtent pas, ou peu, aux cadres habituels de traitement. Winnicott a mis en évidence ce problème de l’adaptation du cadre thérapeutique aux problématiques « archaïques » en pointant les limites du cadre classique de la psychothérapie, comme emblématique des thérapies verbales : « Freud considérait la situation de maternage comme allant de soi, et je soutiens qu’il s’en est servi afin de donner un cadre à son travail, presque sans savoir ce qu’il faisait… Il (Freud)s’est intéressé aux angoisses qui font partie des relations interpersonnelles » (Winnicott, 1954). Ainsi, qu’en est-il pour tous ceux qui n’ont pu intégrer cette première expérience positive ? Pour qui la question n’est pas la relation interpersonnelle, mais plutôt la « (re)construction » d’un espace psychique ? Le pack peut répondre en partie à cette problématique par le holding qu’il procure de fait, tant par sa concrétude que par l’accompagnement systématique qu’il propose.
 
De l’hydrothérapie à l’enveloppe psychique
L’enveloppement thérapeutique est une très ancienne technique de soins connue en France depuis le XVIIème siècle. À cette époque, il faisait partie de l’hydrothérapie - on parlait de balnéation. Au cours de l’histoire, diverses variations techniques ont vu le jour sans s’éloigner grandement de l’essence du soin, l’enveloppement. Magnan en fait encore l’éloge à la fin du XIXème siècle : il proposait les enveloppements pour les patients maniaques. Cette approche s’est progressivement perdue, probablement avec l’espoir qu’ont inspiré de nouvelles techniques de soins au début du XXème siècle.
 On doit aux psychanalystes américains d’avoir retrouvé un intérêt pour cette technique psychocorporelle dans les années cinquante avec un nouvel éclairage sur l’aspect « enveloppe psychique » et l’accompagnement relationnel qui caractérise ce nouvel élan pour cette approche psychocorporelle. Du coup, l’aspect « enveloppe » vole la priorité à celui de l’hydrothérapie qui prévalait jusqu’alors. Le retour des enveloppements en Europe s’est fait grâce à Michael Woodbury qui exerçait à Washington dans la fameuse clinique de Chestnut Lodge, spécialisée dans le traitement des schizophrènes. Paul-ClaudeRacamier lui a proposé de venir travailler avec lui à la clinique des « Rives de Prangins » près de Nyon en Suisse. Il a retracé son expérience et les excellents résultats cliniques obtenus avec des patients très perturbés dans son article « L’équipe thérapeutique » (Woodbury, 1966). Après quelques années d’exercice dans cet établissement, les deux compères vont partir pour Paris, dans le XIIIème arrondissement, et c’est ainsi que cette technique des enveloppements est de retour en France.
 Dans les années soixante-dix, cette « nouvelle » technique arrive à l’autre bout du lac, à Vevey, à la Fondation de Nant, grâce à un infirmier, Jean David, qui en avait fait l’expérience personnelle pour des raisons somatiques. Avec la complicité du Dr Claude Miéville, directeur médical, et du Dr Nicolas de Coulon (futur directeur médical de la Fondation de Nant et qui en fera le sujet de sa thèse), les packs viennent compléter l’arsenal thérapeutique des approches psychocorporelles avec les massages et la relaxation. La référence première est le concept de holding de Winnicott, puis celui de la contenance psychique. Cette technique de soin est vite investie tant par les patients que par les soignants et se pratique avec les adultes et les personnes âgées. Cet enveloppement se fait toujours avec le consentement du patient, en aucun cas il s’agit d’une mesure de contrainte.
 Il existe des variantes dans la technique d’enveloppement mais habituellement, le pack consiste à envelopper le patient, nu ou en sous-vêtements, d’abord dans une serviette pour le torse, puis encore dans un drap pour le reste du corps à l’exception de la tête. La serviette et le drap ont été préalablement trempés dans l’eau froide et essorés. Une couverture et un duvet viennent compléter l’enveloppement. L’expérience montre que lorsque la température initiale des draps est inférieure à dix degrés, le gradient de réchauffement du corps est plus important. Dans notre setting, pendant l’entier de la séance, deux soignants - classiquement un médecin et un infirmier - accompagnent le patient de chaque côté et restent en contact visuel. C’est sur ce point qu’il y a le plus de variantes techniques : le nombre d’accompagnants notamment, ou la présence d’un observateur.
 
Enveloppements de soutien et d’élaboration
Nous posons deux indications principales de packs : les enveloppements intensifs « de soutien » lors de décompensations aiguës et les packs « d’élaboration », offrant un cadre clinique à un travail d’intention psychothérapeutique.
 Le pack de soutien
Les packs de soutien sont un soin intensif dans le sens où les séances sont quotidiennes et concernent des patients en situation clinique aiguë. Ils visent un soutien psychosomatique en référence au concept de holding de Winnicott « À ces débuts, le bon environnement psychologique est un environnement physique. » L’accompagnement des deux thérapeutes procure un soutien relationnel par leur présence bienveillante et le travail de contenance psychique qu’ils opèrent. Ce soutien est renforcé par l’apaisement que procure l’expérience corporelle de détente de l’enveloppement. Il existe également un soutien en lien aux fonctions de milieu de John G. Gunderson,par l’intérêt et la relation authentique qui se noue et qui donne de la valeur (objet d’attention) au patient. Ces packs quotidiens s’effectuent avec un tournus de tous les membres de l’équipe soignante pour assurer la séance quotidienne. Ils se tiennent de chaque côté du patient, de façon à être facilement en contact visuel. La durée des séances est généralement de vingt minutes à une demi-heure, mais peut être prolongée en vertu des situations cliniques. Celle du traitement est bien entendu variable en vertu des besoins individuels et de l’évolution clinique, mais elle s’étend habituellement sur une dizaine de jours. Quelques fois, une seule séance pour apaiser une situation d’urgence.
 Pour suivre Winnicott, les problématiques archaïques et les troubles d'intégration semblent faire écho aux expériences infantiles précoces de holding et d’environnement« Le facteur de l'environnement a une signification particulière dans l'étiologie de la folie. » Psyché et environnement seraient donc confondus comme le physique et le psychologique dans la prime enfance. L'utilisation du corps et de l’enveloppement fait écho à cette hypothèse. Toujours en suivant Winnicott sur le développement psychoaffectif, certaines circonstances peuvent bloquer le processus de maturation qui est alors « gelé », selon ses termes, et ne peut plus grandir. Cependant, l'instauration d'un environnement de soin facilitant (holding) peut opérer une reprise évolutive, une expérience maturante. Cette expérience de holding est le premier jalon de la psychogenèse grâce à la « préoccupation maternelle primaire » de la mère, qui lui permet par empathie de répondre aux besoins de son enfant.
 Nous pouvons tirer de cette expérience primaire une extension pour les soins dont une traduction clinique est l'utilisation du corps par un holding thérapeutique concrétisé par le pack. Le patient fait l'expérience d'être tenu, contenu, par l’enveloppement des draps, l’attention et la relation des accompagnants. En cas de décompensation aiguë, le holding devient une priorité, un besoin très intense, le premier et le principal objet du soin. Le holding est le moyen et la fin, le soin et son objectif. Il va permettre de diminuer la souffrance psychique aiguë par le travail de contenance opéré concrètement et symboliquement (travail psychique des soignants). Il est notamment bienvenu lors d'éclatement psychotique dans lequel les limites du dedans et du dehors sont rompues, où plus rien – ou si peu - n'est contenu (pathologie du contenant).
 Combien de fois avons-nous procuré aux patients maniaques la possibilité de se "poser" le temps d'une séance ? Combien de nuits apaisées par cette expérience de limite, d’accompagnement naturel, de sentiment de sécurité, de contenant apaisant ? L'intention première est de soulager la souffrance psychique aiguë. Quelquefois, la possibilité de faire un pack est laissée à l'appréciation de l'équipe en charge (réserve) et il n'est pas rare que, par exemple, l'équipe de nuit l’utilise si une situation clinique se détériore ou pour accueillir une urgence. C'est une alternative supplémentaire à la gestion de situations cliniques aiguës nécessitant un holdingintensif, une contenance relationnelle soutenue.
 Le pack d’élaboration
Pour les packs d’élaboration, ce sont toujours les deux mêmes soignants qui assurent l’accompagnement et le travail relationnel. Mais ils sont formés à ce type de travail relationnel et ne sont pas remplacés en cas d’absence à la manière d’un setting de psychothérapie. La séance de pack est de même durée qu’une séance de psychothérapie et elle devient l’espace de traitement individuel d’un projet thérapeutique global impliquant d’autres activités thérapeutiques (travail de milieu, ergothérapie, entretiens familiaux, médication, etc.) Si la cure de pack débute dans une unité, de crise ou hospitalière, elle peut se poursuivre au-delà de cette unité pour devenir la thérapie individuelle, le temps nécessaire à son déroulement.
 Même si la question du holding reste un élément fondamental de l'indication du pack, il peut s’ouvrir à une forme plus psychothérapeutique. C’est fréquemment de cette manière que se poursuivent les cures de packs quotidiens de soutien. Il s’agit d’un moyen pour mettre en œuvre une forme de psychothérapie où une élaboration de la problématique est recherchée et travaillée. Le pack « d’élaboration » devient alors le cadre pour un espace psychothérapeutique individuel. Comme pour une psychothérapie, le cadre est posé avec des séances de même durée : 45 ou 50 minutes et un nombre fixe de séances hebdomadaires. Ce « pack cadre » est ce qui « contient les constantes à l'intérieur » (Bleger) et devient « l'assise dans laquelle le processus thérapeutique se déroule » (Bleger). L'expérience corporelle vient en appui au processus psychothérapeutique. La limite corporelle peut donner une représentation pour se figurer l'espace psychique pour aller dans le sens des développements de Didier Anzieu sur le « Moi peau ». Cette même limite corporelle est l’opportunité de travailler sur le dedans et le dehors, opération très utile, compte tenu des pathologies du contenant que nous rencontrons en phases aiguës et dans les problématiques dites « archaïques ». Par ailleurs, cette limite protège aussi en occupant un rôle de pare-excitation par filtre des échanges. Les valences contenantes du pack, ajoutées à celles des thérapeutes, (contenance relationnelle) facilitent l’accès au monde interne du patient. Ce travail fait référence au concept de « container » de Bion, indispensable à la possibilité de penser qui fait souvent défaut dans la psychose. Il s’agit pour le soignant d’être le dépositaire « actif » (travail psychique des soignants) des angoisses et autres projections du patient. Ainsi, le thérapeute va transformer activement (travail d’élaboration, de métabolisation) ces éléments (b) psychiques bruts en éléments (a) sensés, structurés, représentables, qui seront ainsi reintrojectables pour le patient. Ce processus relationnel peut lui permettre de se réapproprier ces parcelles de lui-même sous une forme « acceptable », donner un sens à sa décompensation et à sa problématique.
 Le pack peut également être considéré comme un objet transitionnel qui tient en même temps relié et séparé le patient à ses thérapeutes. Pour ceux qui ont peu de capacités élaboratives, cet espace est aussi un objet qui leur permet de parler de leur relation à leurs thérapeutes : il est chaud, réconfortant ou au contraire froid, désagréable, etc. C'est un setting qui met un peu de jeu et distance entre les protagonistes. Le fait d'être deux thérapeutes offre des leviers thérapeutiques riches aux patients et aux thérapeutes : possibilité de parler entre soignants, modèle relationnel, méta-communication, dramatisation, travail sur l'absence en direct, soutien, etc. Le pack est lui-même entouré par les autres prestations du projet thérapeutique, mais surtout par la supervision systématique qui est organisée. C’est également ce qui en fait un soin prisé et investi par les soignants.
  
Conclusion
Cette approche psychocorporelle est très appréciée des patients qui en bénéficient et des soignants qui la pratiquent. L’enveloppement offre un cadre de traitement permettant une bonne contenance, c’est une part importante de son originalité. Cette approche facilite un travail relationnel et psychothérapeutique bienvenu avec des patients en phase aiguë, ou qui ne peuvent pas bénéficier d’une psychothérapie classique. L’aspect concret du soin corporel est très rassurant, il donne une représentation positive du soin psychique. C’est également l’opportunité pour les soignants de réaliser un travail psychothérapeutique et de bénéficier de supervisions. Le pack est généralement investi très positivement par les soignants, ce qui participe au fait que le patient peut l’investir à son tour et s’en trouve le principal bénéficiaire. Ce qui peut apparaître à première vue comme une « vieillerie » retrouve un regain d’intérêt et un avantage par son côté naturel, alternatif et humaniste.■
 
  
 
 
 
Nous débutons une recherche quantitative concernant la mesure de l'efficacité des packs en situation de soins aigus. Plusieurs établissements sont déjà parties prenantes, mais nous sommes ouverts à d'autres collaborations à venir pour ce projet. Si vous êtes intéressés pour participer, vous pouvez contacter Raymond Panchaud, directeur des soins à la Fondation de Nant en Suisse :
Mél. : raymond.panchaud@nant.ch    Tél. : 00 41 21 925 27 27
 


* Directeur des soins à la Fondation de Nant en Suisse 
** Infirmier-chef adjoint à la Fondation de Nant en Suisse 
 
 


23/03/2015
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