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Céline Parent: Un Corps en Trop

 

Céline Parent: Un Corps en Trop

 

Je voudrais partager mon expérience pour, peut-être, aider les patientes qui souffrent d'anorexie, de troubles du comportement alimentaire.
 
J'ai lu des études sur le packing. Cela m'a tout de suite frappé, ce protocole thérapeutique pourrait être à mon avis très adapté aux patientes anorexiques.
Je vais essayer de vous expliquer mon point de vue au regard de ma propre expérience. Je suis devenue anorexique brutalement à 18 ans, boulimique quelques années plus tard, avec d'autres comportements addictifs associés.
 
Je vais avoir 33 ans, j'ai été pendant plus de 12 ans anorexique et boulimique. J'ai été hospitalisée de nombreuses fois, internée de nombreux mois, j'ai passé plusieurs semaines en chambre d'isolement.
J'ai été testée, auscultée, piquée, sondée, nourrie, gavée, soupesée tant de fois que je me faisais l'effet d'un rat de laboratoire.
Je prenais trop de place. Mon corps était toujours TROP. J'en avais terriblement honte. Je voulais le faire rapetisser jusqu'à ce qu'il s'efface, qu'il disparaisse.
 
Il m'apparaissait comme une entité étrangère, j'avais une haine féroce pour ce corps. J'avais peur du vide à l'intérieur de moi. Je voulais arrêter de sentir. Ou alors avoir MAL, mais quand je le décidais uniquement. Quand mon corps me faisait mal, quand il maigrissait, alors j'existais. C'était ma seule façon d'exister. C'était une question de vie ou de mort, une question de survie.
Exister par le contrôle absolu de mon corps.
 
Peu à peu, je me suis perdue. A 28 kilos, en réanimation, mon corps était toujours trop. Je n'en voulais plus. Je ne voulais plus le sentir, je ne voulais plus de cette encombrante enveloppe.
 
C'est en repensant à ces sensations que j'ai été frappée par la méthode du packing. Il me semble qu'appréhender le corps de cette façon, sans être seule, pourrait permettre d'avoir moins peur du vide, de retrouver à l'intérieur de soi, au travers des sensations corporelles favorisées par l'enveloppement, une unité entre le corps et l'esprit, une chaleur, une douceur, un bien-être intérieur.
Se sentir enveloppé, protégé, en sécurité en soi-même.
En "lieu sûr".
Apaisement, retour en soi-même et non enfermement en soi-même.
 
Je n'ai jamais fait cette expérience, je l'imagine, mais il me semble aujourd'hui que cette méthode m'aurait aidé à ressentir puis à formuler certaines choses indiscibles autrement que par le symptôme.
 
J'ai toujours ressenti que le corps - mon corps - était une chose dangereuse, honteuse, quelque chose de sombre, d'humide, de sale. Il fallait le purifier, mais il ne fallait pas en parler, ni lui faire confiance. Il me semblait déloyal.
 
Paradoxalement, maigrir toujours plus était pour moi un besoin de vérifier que j'étais toujours là, que j'existais. Je touchais mes os, je surveillais. Je contrôlais. Je me sentais divisée en deux. Le moi dans ma tête et la fille dans le miroir, ce corps étranger, hostile, sale et difforme.
Et puis l'OEIL, le REGARD. Le regard ambigu des autres sur ce corps décharné, mon propre regard sur lui, miroir déformant. PIEGE.
 
J'ai toujours eu une peur panique d'être abandonnée. La technique de l'enveloppement m'aurait peut-être aidée, après la difficulté du regard de l'autre, à retrouver la sensation que mon corps n'était pas vide. Sentir de la chaleur en soi. Sentir que le corps parle, réagit, vit. Du coup, trouver en soi un noyau consistant sur lequel s'appuyer, pour ne pas se sentir abandonnée, perdue.
Aller trouver en soi-même ce que l'on cherche en vain dans le regard de l'autre.
 
Aujourd'hui j'ai retrouvé un poids "normal", même si mon corps me dégoûte toujours et me fait honte.
La différence est que j'ai perdu, avec le temps, ce pouvoir, cette toute-puissance, ce contrôle absolu sur mon corps.
Il ne veut plus. Je ne peux plus vomir ou me priver comme je l'ai fait pendant plus de 12 ans.
Mon corps n'a plus la force, la résistance, il refuse. J'ai dû conclure avec lui une sorte de "pacte de non-agression". J'y ai été obligée. Je suis fatiguée d'avoir mal, je n'ai plus de jouissance à me faire mal.
Ce que je n'ai jamais trouvé, c'est un apaisement, une unité apaisante entre le corps et la pensée. Je n'ai tout simplement jamais pu concevoir mon corps comme "faisant partie de moi". Il reste une entité extérieure, dangereuse, hostile.
 
Je pense que la technique du packing, d'après ce que j'ai pu en lire, pourrait permettre aux patientes atteintes de troubles du comportement alimentaire d'approcher cette sensation d'unité, d'apaisement corporel, point de départ pour débloquer des choses en thérapie.
Faire cette expérience sensorielle et ensuite pouvoir la formuler, l'exprimer au thérapeute.
"Accorder son corps".
Retrouver une certaine harmonie entre le corps et l'esprit, une souplesse, une détente. "Lâcher-prise". Apprendre à sentir sans nécessairement avoir mal.
"Sentir du bon". Prendre conscience qu'on est fait "de chair et d'âme".  

 



30/01/2013
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