Delion: Du souci du corps au soin psychique: Un détour par le packing
http://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2002-4-page-102.htm
Du souci du corps au soin psychique
Un détour par le packing
Une patiente psychotique que j’ai suivie pendant une dizaine d’années avait un talent particulier pour résumer en de saisissants aphorismes les expériences pénibles dont elle finissait par sortir après de longues phases d’angoisses extrêmes. Une vérité qu’elle énonça à l’issue d’un épisode délirant productif centré sur la décomposition de sa peau (envahie par tout un petit peuple d’hallucinations olfactives) venant prouver le travail de mort dont elle anticipait la déconstruction en la ressentant dans son expérience délirante, me semble particulièrement intéressante pour notre sujet : « Il est profond de surfacer », me dit-elle en guise de conclusion de son hospitalisation. Rejoignant la sagesse de Paul Valéry, elle m’indiqua ainsi que son récent voyage dissociatif avait mis à mal son enveloppe de peau, proche du « moi-peau » de Didier Anzieu (1985), lui faisant perdre sa fonction contenante minimale pour devenir le lieu de « sistence » de ses angoisses archaïques, et la mettant en demeure de reconstruire à partir d’un fond retrouvé la surface psychique qu’elle avait perdue. Or Freud, dans ses « Notes sur le bloc magique » (1925), insiste bien sur le fait que pour disposer d’une surface d’inscription, l’appareil psychique (animique) du sujet doit pouvoir s’étayer sur un pare-excitation, faute de quoi le processus, notamment mémoriel, de son organisation défensive, l’oblige à avoir recours à un système topique problématique. C’est sans doute en raison de ces difficultés particulières que les personnes psychotiques en arrivent à utiliser les mécanismes de projection pathologique et/ou de forclusion à la base des signes cliniques centrés sur une souffrance psychique de type corporel.
2 Dans les années 1975, je suis « tombé » sur les articles de Woodbury (1966), un psychiatre-psychanalyste de Chesnut Lodge (États-Unis), de passage dans le xiiie à Paris, racontant comment il venait à bout des angoisses psychotiques de ses patients avec cette technique du packing ; aussi me suis-je immédiatement mis à en étudier la faisabilité dans le service de psychiatrie d’adultes dans lequel je travaillais à l’époque. Marie-Josèphe, une adolescente de 18 ans, schizophrène, venait d’y être hospitalisée pour la troisième fois en raison d’une nouvelle décompensation dissociative avec catatonie et mutisme. Les deux premières fois, le psychiatre avait proposé un traitement par sismothérapie qui s’était révélé rapidement « efficace », ce qui avait conduit sa famille à considérer que Marie-Josèphe, étant guérie, pouvait interrompre le suivi de postcure. J’ai alors suggéré à son psychiatre de lui prodiguer des soins en s’appuyant cette fois-ci sur la technique du packing dont je venais de prendre connaissance avec mes amis internes du service. Nous avons réalisé ces soins à base d’enveloppement humide pendant trois mois, à raison de trois séances hebdomadaires. Les résultats ont été suffisamment probants pour que cette technique, vécue au départ par l’ensemble des soignants comme étrange et même inquiétante, paraisse dès lors digne d’attention. C’est ainsi que nous avons ensuite fait des dizaines de séances de packing pour traiter le syndrome dissociatif des patients psychotiques.
3 Quelques années plus tard, j’ai été nommé dans un service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent avec l’intention d’approfondir la question de l’autisme entrevue lors des évolutions des patients schizophrènes adultes. J’ai tenté, dans un premier temps d’utiliser cette technique thérapeutique (Delion, 1991) pour des enfants autistes dont les automutilations devenaient de plus en plus envahissantes sans que les parents ni les soignants n’arrivent à les endiguer, puis dans un second temps, pour des enfants présentant une psychose infantile et dont la violence symptomatique rendait difficile toute approche psychothérapique classique. Dans ces deux types de situations, les neuroleptiques seuls ne sont pas suffisants, et les méthodes de contention du corps telles que le « holding thérapeutique » (Whitaker, Zaslow, Prekop, Zapella[1] [1] A. Gillis, L’autisme attrapé par le corps, Mardaga,...
suite), intéressantes dans le principe, ne sont pas faciles à mettre en place dans une équipe.
4 Il me semblait, à cette époque, que la question du corps, ou plus précisément de l’ « image du corps », était en première place dans la dramaturgie de ces enfants. Parmi plusieurs, je retiendrai deux auteurs qui ont donné des éléments théoriques pour l’approche du corps dans la thérapeutique des enfants autistes et psychotiques : Esther Bick et Didier Anzieu. Bick a créé ce concept très important à mes yeux de « seconde peau musculaire » (Bick, 1968). Un enfant doit ressentir, dans la manière dont sa mère le crée et dont il crée sa mère (Winnicott), cette sensation particulière d’être porté et rassemblé dans un conteneur (Bion) figuré par la peau qui tient tout ensemble les différentes parties de son corps, élevant ainsi le conteneur à la fonction contenante. Lorsqu’il ne peut éprouver cette sensation, il ne va trouver une possibilité de tenir ensemble toutes les parties du corps que par l’exercice de sa muscularité, soit en positif par l’hypertonie, soit en négatif par l’hypotonie. Cette seconde peau musculaire tient lieu de peau au sens où justement Anzieu en parle (et c’est un concept majeur qu’il a ainsi créé, celui de « moi-peau »), avec ses nombreuses fonctions, notamment contenante et maintenante. Ce concept peut s’articuler avec l’étude des identifications qu’Esther Bick a poussées très loin du côté de l’archaïque en parlant de l’« identité adhésive », dont la variante pathologique nous est utile pour la compréhension de la psychopathologie des autismes.
5 Un autre élément de cette approche par le corps m’est apparu essentiel : dans ces pathologies d’avant le langage articulé dans une parole libre et circulante, ce qui peut faire l’objet d’une attention psychique (Houzel, 2002) est d’une importance incontournable. Or, « ce dispositif du corps allongé offre au patient une présence moins frontale épargnant les éléments persécuteurs du regard. Le corps enveloppé protège le patient de ses actes intrusifs sur le corps de l’autre […] » (Libeau Manceau).
6 Le packing a comme vertu essentielle d’offrir un dispositif comportant une double fonction : donner un support concret au moi-peau endolori, fracassé, absent, aboutissant à la constitution d’une seconde peau musculaire et – au-delà de cette première frontière avec le patient – proposer un appareil psychique groupal exerçant une fonction alpha de nature à transformer les éléments bêta en éléments pouvant être introjectés. Paul Federn (1952) nous rappelle que « le moi du psychotique n’est pas solide, il lui faut un exo-squelette ». Le packing, par les enveloppements humides qui soulignent les bords du corps, et par le groupe des thérapeutes, eux-mêmes contenus dans l’ensemble plus vaste du « collectif » (Oury, 1986), est la construction progressive d’un exo-squelette pour le patient, jusqu’à ce qu’il en intériorise les représentations. C’est ce que, par allusion appuyée au Roi des Aulnes de Michel Tournier, j’ai nommé la « fonction phorique » (Delion, 1997) pour insister sur cette extériorité nécessaire du portage tout le temps nécessaire de la cure, à l’instar de l’enfant qu’on doit porter et soutenir dans son expression jusqu’à ce qu’il maîtrise la marche et le langage.
7 Aussi est-il important de disposer de moyens adaptés d’approche de ce type de signes qui ne passe pas par une parole. Là encore, Esther Bick nous a été d’un précieux secours en proposant la « méthode d’observation directe[2] [2] M. Haag, La méthode d’Esther Bick pour l’observation...
suite » qui porte son nom désormais. Cette méthodologie prévue à l’origine pour « compléter » la formation des psychanalystes d’enfants dans le cursus de la Société britannique de psychanalyse, s’est rapidement avérée une excellente formation aux métiers de la petite enfance, et tout particulièrement autour du bébé, en raison de l’accent qu’elle met sur le contexte « infralangagier », mais précisément en articulation avec le langage à venir. C’est ainsi que l’observation directe permet de prêter attention psychiquement à ces enfants autistes et psychotiques souvent dépourvus de langage. Le packing, par l’enveloppement de tout le corps sauf du visage, adresse à peu près ce message à l’enfant : « Toi qui ne peux pas communiquer avec la parole, mais qui utilises souvent tes mouvements, tes gestes, tes stéréotypies, tes impulsions pour dire quelque chose, nous te proposons de vectoriser toutes les forces communicationnelles qui sont en toi vers le visage, comme lieu d’expression privilégié des humains entre eux ; chaque signe sera accueilli, élaboré et perlaboré par notre groupe de soignants et, quand cela sera possible, sera transformé pour que tu puisses éventuellement te le réapproprier. »
8 Comment pratique-t-on le packing avec les enfants autistes et psychotiques ?
La technique du packing[3] [3] Delion, 1998. ...
suite
9 Le packing consiste à envelopper un enfant en sous-vêtements dans des serviettes mouillées d’eau froide. Chaque membre est entouré d’une serviette, les deux jambes, bien serrées, sont ensuite prises ensemble dans une serviette plus grande depuis les pieds jusqu’au nombril. Les deux bras sont maintenus contre le tronc par une autre grande serviette. Un drap assure la cohésion de l’ensemble. Un plastique ou un caoutchouc enveloppe ensuite le corps du patient jusqu’au cou, enfin une ou deux couvertures chaudes sont enroulées autour de l’enfant. Il faut faire attention à bien disposer les différents tissus de telle sorte qu’aucun pli ne lui procure de sensations désagréables. L’enveloppement doit être fait rapidement, éventuellement par quatre soignants. Habituellement, deux soignants restent auprès de l’enfant, de chaque côté de son visage, de façon à être facilement accessibles à son regard et, quelquefois, un des soignants se tient à ses pieds. La durée de la séance est de trente à soixante minutes environ, si possible toujours identique. Une fois le patient prévenu, le développement se fait doucement, dans le sens inverse de l’enveloppement. Une fois « désenveloppé », l’enfant peut être massé vigoureusement avec un gant et de l’eau de Cologne dans un mouvement centripète : pour les membres, en partant des extrémités et en insistant sur les articulations, et du bas vers le haut de la colonne vertébrale. Il est possible d’offrir au patient une collation une fois qu’il est habillé.
10 Un compte rendu écrit est réalisé après chaque packing en s’inspirant de la technique de l’observation directe d’E. Bick. Le rythme peut varier de une à sept séances hebdomadaires. L’équipe de packing comprend de deux à six personnes. Cette technique est engagée après explication au patient et aux parents lorsqu’il s’agit d’un enfant et, dans ce cas, fait l’objet d’échanges réguliers avec eux. Une réunion de supervision a lieu toutes les deux ou trois semaines.
Yves, Étienne et Jennifer
11 Prenons quelques exemples cliniques illustrant le travail que permet le packing pour approcher le corps en difficulté de psychisation dans les pathologies autistiques et psychotiques.
12 Yves est un enfant de 10 ans. Il a été hospitalisé à temps complet pendant longtemps, ce qui a aggravé sa psychose infantile d’un hospitalisme. Tout se passe comme si les angoisses d’anéantissement qui l’envahissent régulièrement déclenchaient son hypertonie puis ses automutilations pour échapper au démantèlement. À cet enfant qui présente ces symptômes très préoccupants, nous proposons de commencer une cure de packs, à raison de deux séances par semaine, et de réorganiser ses activités thérapeutiques (il participe à l’atelier-conte, à plusieurs séances de pataugeoire, etc.).
13 Après deux ans de packing, Yves a considérablement évolué, puisque l’on constate d’une façon assez nette que son automutilation a disparu pendant de longues périodes ; ses parents font la même constatation en consultation, disant : « Globalement les week-ends se passent mieux, il se tape beaucoup moins, il mange plus, il peut jouer un peu, il recherche davantage le contact avec nous. » Il est également moins hypertonique. Et, au cours des derniers packings, nous avons remarqué que l’hypertonie continue de se produire à certains moments pendant le packing, mais au lieu de se résoudre comme si auparavant sur une tentative de se cogner la tête contre le bois de lit, elle se résout par différents types de cris, comme si pouvait s’opérer un changement de canal par lequel va s’écouler la tension, indice de l’excitation interne.
14 C’est ainsi que Yves peut maintenant nous demander après son cri résolutif tantôt : « Ala », ce qui signifie « chante-moi À la claire fontaine », tantôt : « Ela », ce qui signifie « Chante-moi Elle a ce petit je-ne-sais-quoi ». Suivent alors des moments d’apaisement pendant lesquels nous notons dans les comptes rendus : Yves est concentré ; il pense à quelque chose ou à quelqu’un ; Yves est en lien avec un objet interne : il se le re-présente.
15 Étienne est un enfant de 8 ans, abandonné par sa maman, puis placé à 3 ans dans une famille d’accueil. Là, Étienne présente déjà des signes cliniques de psychose infantile. Quelques consultations aboutissent à une indication d’hospitalisation de jour. En effet, Étienne présente des pulsions intrusives importantes rendant la vie dans le groupe familial nourricier très pénible et, surtout, tendant à orienter les rapports dans cette cellule vers une problématique sadomasochiste. Ses grandes difficultés d’accès au langage parlé, son instabilité permanente et son agressivité en font rapidement l’un des enfants les moins bien tolérés de l’hôpital de jour. Nous prenons donc la décision de proposer à Étienne et à ses parents nourriciers un packing. Nous commençons ce traitement à cinq soignants, à raison de deux packs par semaine.
16 Plusieurs semaines après le début des packs, Étienne fait état de fantasmes archaïques : « Un rat est rentré par le derrière dans mon ventre ; mange dedans ; bouge tout le temps ; Étienne a peur du rat. » Effectivement une grande angoisse le saisit et son regard en dit long sur ses vécus « intérieurs ». Au bout de quelques packs pendant lesquels cette question du rat est abordée par Étienne, l’éducatrice de jeunes enfants trouve une réponse interprétative : elle « voit le rat au fond de la gorge d’Étienne, l’attrape par la queue, le retire d’Étienne et le jette au loin ».
17 À partir de ce moment-là, Étienne ne fera plus état d’une angoisse comparable à celle qu’il avait exprimée auparavant et, les quelques fois où il reparlera du « rat dans mon ventre », ce sera sur un mode ludique en rejouant au « rat qu’on retire par la queue et qu’on jette au loin ». On peut donc dire que l’éducatrice a incarné d’une manière adéquate la fonction alpha décrite par W.R. Bion en mettant des mots sensés sur un affect insensé – élément bêta – vécu dans l’angoisse par l’enfant.
18 À un autre moment de son packing, Étienne fait un lapsus ; pour demander à une soignante son « bandeau » selon un rite déjà bien rôdé à la fin du pack – comme si le bandeau-sur-la-tête représentait un petit pack après le pack –, Étienne lui demande son « landau ». Puis il reste silencieux. Je lui dis : « Le landau ? » et Étienne de répondre : « Quand maman elle gueule, vais chez Chantal [la voisine] dans le landau du bébé. » Quelle meilleure illustration des contiguïtés signifiantes entre les deux modalités de la fonction contenante par celui-là même qui l’éprouve ? Pourrait-on avancer qu’Étienne nous interpelle à deux niveaux complémentaires mais non réductibles l’un à l’autre, en demandant aux soignants de mettre en place des réponses adéquates ? La fonction contenante et de portage – la fonction phorique – est la matrice de la seconde modalité, ce qui va devenir l’essentiel de l’existence de l’homme, la fonction méta-phorique du langage.
19 Dans l’histoire d’Étienne, la fonction phorique, « mise en forme » par le packing, devient condition de la possibilité d’une « mise en scène » dans laquelle un échange langagier ait quelque chance de prendre sens ; et c’est la fonction métaphorique. Les quelques passerelles langagières vont ainsi être autant de « greffes de transfert » – comme les nomme Gisèla Pankow (1977) –, sur lesquelles vont pouvoir s’appuyer des rapports différents avec Étienne, et notamment une diminution considérable du niveau d’angoisse archaïque qui entoure les mécanismes d’identification projective encore à l’œuvre d’une façon prévalente. Nous pouvons donc dire que l’équipe soignante exerce vis-à-vis d’Étienne, notamment par l’intermédiaire de la technique du packing, la fonction de tenant-lieu de pare-excitations. Avec les parents nourriciers s’est progressivement métabolisé un travail de délimitation des positions respectives occupées par les différents partenaires de la situation : une mère n’est pas équivalente à une nourrice, l’amour filial n’est pas l’occasion d’un salaire, le travail d’accueil d’une famille nourricière n’est pas du même ordre que les soins prodigués par une équipe soignante… Autant d’éclaircissements nécessaires à l’aménagement de la thérapie d’Étienne.
20 Jennifer est dans le bureau de consultation de l’ophtalmologiste, un vendredi soir, après s’être auto-mutilé jusqu’à l’énucléation du cristallin de l’œil. L’ophtalmologiste nous appelle pour la faire hospitaliser en urgence dans le service. Cette petite fille de 10 ans arrive avec un gros pansement sur l’œil et, après quelques paroles échangées avec la maman et les éducateurs de sonimp, nous décidons de commencer aussitôt une cure de packing, tant son angoisse automutilatrice est grande. Elle a son premier pack le soir de son admission, un deuxième le samedi matin, et ainsi chaque jour pendant trois semaines environ. Jennifer s’apaise progressivement et, très rapidement, elle tend les bras pour que nous les lui enveloppions, ce qui pour nous est un signe d’acceptation profonde de cette technique par l’enfant.
21 Cette petite fille était depuis plusieurs années dans un imp avec ses angoisses archaïques, et son recours à l’automutilation était relativement récent. Les éducateurs, débordés par ce symptôme épouvantable, essayaient tant bien que mal de la retenir, puis de la contenir et, enfin, de l’empêcher de se mutiler. Mais rien n’y faisait, Jennifer semblait habitée par une force destructrice irrépressible qui lui intimait de se crever l’œil. Son bras était devenu la représentation active d’un surmoi archaïque qui venait la punir de ses projections pathologiques. Au bout de ces quelques semaines de packing intensif, la tension interne menée jusqu’au bout par le biais des automutilations avait suffisamment cédé pour qu’un retour dans son imp fût envisageable à temps partiel. Par la suite, Jennifer est revenue trois fois, puis deux fois par semaine dans le service pour des packs en externe. Elle a ainsi pu faire réopérer son œil dans de meilleures conditions. C’était il y a trois ans. Depuis, Jennifer a beaucoup évolué. Elle vient désormais dans le service une seule fois par semaine pour participer à un atelier-conte. Sa cure de packs a pris fin après deux ans de séances bihebdomadaires.
En conclusion
22 Pour les soignants qui veulent prendre en charge un enfant autiste ou psychotique présentant des signes aussi graves que des automutilations ou des violences incoercibles, la technique du packing semble indiquée. En effet, elle permet de travailler avec l’enfant au niveau topique auquel a lieu sa souffrance psychique, son corps. Cette approche, pour exigeante qu’elle soit, a le grand intérêt de faciliter un contact avec le corps sans les dangers de l’érotisation et de la persécution, deux formes de transfert particulièrement difficiles à traiter sur un plan psychothérapique. Elle permet également de mettre en place un cadre s’étayant sur plusieurs soignants et donnant forme à ce que Tosquelles (1984) nommait la « constellation transférentielle ». Ce faisant, l’accès au mode transférentiel spécifique des enfants autistes et psychotiques devient possible et élaborable dans une dynamique institutionnelle conjuguant les approches complémentaires dont ces enfants ont besoin par-delà les soins intensifs que nous leur apportons. Le packing, vu sous cet angle, n’est autre qu’un aménagement du cadre de la relation psychothérapique prenant en compte les éléments propres à la psychose sans abandonner la quête du sens que le courant psychanalytique nous permet de poursuivre pour en restituer la « substantifique moelle » à l’enfant qui peut en bénéficier.
Bibliographie
Bibliographie
Anzieu, D. 1985. Le Moi-Peau, Paris, Dunod.
Bick, E. 1968. « The experience of the skin in early object relations », International Journal Psycho-Analytique, p. 484-486.
Delion, P. 1991. Prendre un enfant psychotique par la main, Matrice, Vigneux.
Delion, P. 1997. Séminaire sur l’autisme et la psychose infantile, Toulouse, érès.
Delion, P. 1998. Le packing avec les enfants autistes et psychotiques, Toulouse, érès.
Federn, P. 1952. La psychologie du moi et les psychoses, Paris, puf, 1979.
Freud, S. 1925. « Notes sur le bloc magique », Œuvres complètes, vol. XVII, Paris, puf, 1992, p. 137-144.
Houzel, D. 2002. « Le concept d’attention », L’aube de la vie psychique, Paris, esf, coll. « La vie de l’enfant », p. 161-174.
Oury, J. 1986. Le collectif, Paris, Scarabée.
Pankow, G. Structure familiale et psychose, Paris, Aubier-Montaigne, p. 47.
Tosquelles, F. 1984. Éducation et psychothérapie institutionnelle, Mantes-la-Jolie, Hiatus.
Woodbury, M. 1966. « L’équipe thérapeutique : principe du traitement somato-psycho-social des psychoses », L’information psychiatrique, 10, p. 1035-1142.
Notes
[ 1] A. Gillis, L’autisme attrapé par le corps, Mardaga, Liège, 1998, p. 14-20.
[ 2] M. Haag, La méthode d’Esther Bick pour l’observation régulière et prolongée du tout-petit au sein de sa famille, Paris, autoédition, 2002, 18, rue Émile-Duclaux, 75015 Paris.
Résumé
À partir de considérations portant sur l’image du corps telle qu’elle a été définie par les auteurs s’intéressant au traitement psychothérapique des psychoses, quelques concepts importants sont proposés à la réflexion de ceux qui utilisent le packing dans ces pathologies complexes. Après un rappel de la technique mise au point par les équipes expérimentées, quelques histoires cliniques viennent témoigner de son intérêt en tant qu’il permet un aménagement du cadre de la psychothérapie des psychoses, notamment chez les enfants autistes et psychotiques.
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