PACKING BLOG

Roger GENTIS :Ecrire un pack

http://www.cliniquedelaborde.com/

 

 

Je vais expliquer comment on fait un pack. Selon moi, outre le patient bien sûr, il faut au moins être trois.

Les draps mouillés sont disposés sur un matelas, à même le sol. Le patient s'allonge sur eux, dévêtu - entre deux des soignants. Ceux-ci agissant de façon symétrique et coordonnée, enveloppent rapidement le patient dans les draps, suivant un plan concerté, puis le recouvrent d'une couverture, et se déplacent enfin pour s'agenouiller l'un à la tête, l'autre aux pieds… Je parlerai ici du troisième, qui depuis le début est assis à une petite table, un peu à l'écart, de quoi écrire devant lui. Il a même d'ailleurs peut-être commencé à prendre des notes, s'il a remarqué dans le comportement des autres (les soignants comme le patient) des choses qui lui semblent intéressantes - toutes les paroles seront en tout cas consignées. Et ainsi se poursuit, pendant trente, quarante minutes ou davantage, la séance.                           

Une fois le patient dépaqueté, séché, bouchonné, revêtu, il arrive qu'une conversation s'engage - ou se poursuive, entre lui et les deux qui l'ont "accompagné". Le troisième s'est déjà retiré - ou alors il a abandonné plume et papier et participe simplement à la conversation : il n'est plus en place de secrétaire. Mais une fois le patient reparti, les trois soignants vont parler entre eux de ce qui s'est passé, et d'autres notes seront prises (peu importe par qui) au cours de cette discussion. Toutes ces notes seront ensuite reprises en réunion d'équipe. Non qu'elles y soient relues intégralement, si ce n'est peut-être à l'occasion, lorsqu'il est survenu dans la séance quelque chose de nouveau ou de décisif - ou alors lorsque l'équipe de soins, parvenant mal à saisir ce malade, se penche sur toutes les observations susceptibles de l'éclairer.                           

Mais la plupart du temps, la séance de packing représente pour l'équipe soignante un moment parmi d'autres où il s'est passé quelque chose, et tous ces moments doivent être repris, commentés et articulés entre eux dans le discours collectif. Mais pourquoi donc un secrétaire? Deux soignants ne suffiraient-ils pas, ne seraient-ils pas capables de parler de ce qu'ils ont vécu et observé avec le patient, entre eux et avec l'équipe ?  Sans doute - mais il y manquerait quelque chose dans la mise en scène : une présence de l'écriture, en tant qu'écrit et en tant qu'acte, dans l'espace de la séance. La fonction de secrétaire est pour moi inhérente au dispositif, elle fait partie intégrante du cadre thérapeutique.                           

1 On voit que cet agencement reproduit de façon analogique un modèle bien connu : celui de la relation primaire, aux premières semaines de la vie, de l'enfant avec ses parents.

Dans ce modèle, tel que l'a par exemple décrit Bion, la mère est avec l'enfant (l'enfant, qui n'a pas encore accédé au langage verbal) dans un corps à corps, et ce qu'elle perçoit de lui dans une espèce de rêverie (les "éléments béta", dit Bion, informes et inorganisés) elle les élabore mentalement (c'est ce que Bion appelle la "fonction alpha")- et le soir, lorsque le père rentre au cottage après une dure journée de travail (et si ça se trouve, après un tour quand même au pub avec les copains), elle pourra lui raconter au coin du feu ce qu'a fait sa fille ou son fils - elle a mis des mots, un sens dans ce chaos d'indices et d'affects auquel elle a été soumise le journée durant. Et bien sûr, c'est en parlant avec le père qu'elle trouve les mots pour le dire - même si, anticipant sa venue, elle s'est dit (parlant avec lui dans sa tête): "tiens, quand il rentrera, je lui dirai ceci ou cela".                           

Ce modèle n'est qu'' un schéma: on peut imaginer que la "mère" n'est pas la vraie mère, mais une grand-mère ou une nourrice, voire le père en personne - et que ce n'est pas au "père" que la "mère" raconte sa journée, mais à sa propre mère, à une soeur, une amie, peu importe (l'intérêt du père, c'est qu'il quitte le foyer tous les jours, qu'il va à son travail, qu'il y retrouve des collègues, et des copains au bistrot et des voisins dans le R.E.R., et qu'il raconte à son tour, à qui veut l'entendre et en les enjolivant quelque peu, entre les commentaires du match de foot de la veille et les derniers tuyaux du tiercé dominical, les exploits de son fils ou les coquineries de sa fille).                           

Dans ce schéma, il faut donc entendre "mère" et "père" comme des places et des fonctions, qui ne sont pas forcément occupés par le père et la mère réels. Il est clair que, dans le dispositif thérapeutique que j'ai décrit, le secrétaire occupe la place du "père" entant qu'il représente l'extérieur, et d'abord le collectif soignant. Si le patient s'informe sur sa présence, sur sa fonction,il apprendra ce que j'ai dit plus haut: ces notes vont servir à parler de la séance, entre ceux qui sont ici et d'autres qui n'y sont pas, mais que le patient connaît pour la plupart. Dans l'ici et le maintenant de la séance, le secrétaire réfère à un ailleurs et à un plus tard. Vacuole certes que la séance de packing, bulle régressive peut-être - mais néanmoins articulée à un dehors, sur le plan spatial et dans l'axe temporel : un dehors instituant, ou sont calculées, fixées, préétablies les coordonnées spatio-temporelles de la séance elle-même, et des autres séances - de la thérapie.                          

Ailleurs donc du symbolique, où règnent (à commencer par l'horaire, le calendrier, la langue) les innombrables conventions qui permettent aux gens de vivre ensemble - et d'abord de nous retrouver en ce lieu, pour ce travail, ici et maintenant. Ici et maintenant de l'immédiateté, peut-être, voire de l'atopie, de l'achronie qu'on dit caractériser le processus primaire ("je ne savais plus bien ou j'étais", dira par exemple le patient - "cinq minutes ou une heure, je suis incapable de dire combien ça a duré"...) - lieu hors-lieu temps hors-temps peut-être (temps du songe, gîte où songer- et la présence du secrétaire libère les autres du souci d'enregistrer, leur permet de se laisser aller à leur rêverie), mais concédés par le socius, institués par des conventions préalables - ici et maintenant déterminés, balisés ailleurs, auparavant.                           

2 L'écriture, donc : une espèce de fil d'Ariane, comme le câble téléphonique qui relie au monde des hommes le plongeur dans sa cloche, ou le spéléologue exilé dans les entrailles de la terre.

L'assurance que ça communique, qu'on peut s'éloigner et en revenir: fil d'Ariane, fil du fort-da, de l'enfant à la bobine. Fil du il - ou du elle. Le patient - le sujet - s'écrit sous la main du greffier - du tiers : en troisième personne. Mais il me faut ici déplier quelque peu, développer si je puis dire ce dispositif métaphorique cette mise en scène de l'interlocution qu'est à certains égards l'enveloppement mouillé. Trois des protagonistes sont ici en contact : celui qu'on nomme le patient et deux des dits soignants. Contact physique, concret - celui des mains sur la tête, le visage, et d'autres mains sur les pieds du patient. Contact virtuel cependant, quasi contact des peaux séparées par l'infime épaisseur des draps - infime car elle épouse les formes, et se fait ainsi oublier. Synapse autorisant l'osmose si l'on veut, mais préservant de l'épanchement l'un dans l'autre. Ainsi de l'interlocution, du dialogue (Jakobson parle ici de la fonction de contact, qu'il nomme "pathique” du langage) - ainsi de cette activité synaptique (mais d'une synapse qui serait ici réversible) où la langue viendrait en somme en place du drap.                           

Façon de signifier aussi qu'il n'est pas besoin de parler pour être en contact verbal, pour être dans l'interlocution : le silence y suffit, il exalte même le contact, la dimension phatique de l'interlocution On imagine le drap mouillé comme feuille de silence...Et l'on se tourne maintenant vers le secrétaire de séance - on s'imagine en place de secrétaire : pour percevoir d'abord la distance, l'écart, l'hiatus qui s'est interposé, creusé en regard de ceux-ci, les trois en contact tactile (on remarquera au passage que cet achoppement ne constitue pas un pléonasme - car il d'autres contacts que tactile) - pour bien constater en effet que cette distance, ce hiatus ne coupent pas le contact mais le transposent, le font changer de mode et de registre.                           

De son pack le patient peut certes interpeller le secrétaire, tenter de l'engager dans un dialogue: tant qu'il est en cette place, le soignant ainsi interpellé (sauf exception à discuter en équipe) ne réagira pas, il ne se laissera pas entraîner dans l'échange du je et du tu - mais c'est le soignant "de tête" qui répondra par exemple à sa place ("tu vois bien: il écrit"), le désignant ainsi "en troisième personne". Cette troisième personne, ce il, et ce elle, c'est celui que les grammairiens arabes, rappelle BENVENISTE, notamment "l'absent" : absent du dialogue, de l'échange entre les deux "premières personnes", entre "je" et "tu" - celui dont on parle, dont parlent ceux qui parlent entre eux, scène primitive installée au coeur de l'interlocution (en fait, le fantasme de scène primitive figure, met en scène cette structure, - ce pourquoi, fantasme de l’origine, il est aussi considéré comme originaire).                           

Car cette "troisième personne", ce tiers dont la distance figure, met en scène l'hiatus irréductible, le saut qu'il y a du je/tu au il - ce tiers en place de il, absent du dialogue dans son irréductible proximité, dans sa présence physique même (visible, audible) - ce tiers occupe, dans cette mise en scène, ce qu'on pourrait appeler le lieu du il : ce lieu où le sujet du je/tu, le sujet du dialogue, vient à se représenter sous la forme d’un il.                           

Visible, audible: lieu d'où l'on peut être vu, entendu - mais lieu indéfini toutefois, puisqu'en ce lieu je demeure un il quelle qu'en soit la distance : serait-ce à des années-lumières qu'en ce lieu on parlerait de moi. On parle de moi... Lieu d'où je peux me voir donc, ou du moins m'imaginer. Lieu où le sujet, comme dit la grammaire, se réfléchit - où le je, le sujet grammatical, transmute en objet, en me, en moi (et tout aussi bien le tu en te, en toi - le sujet à qui l'on s'adresse en objet dont on parle).                          

3 "Vous parlez de moi..." : je m'adresse ici à ceux qui hantent ce lieu de l'absent, je les interpelle en tant que sujets - et en constituant ces autres comme vous, comme sujets dans un dialogue que j'initie, je me constitue en tant qu'objet, en tant que moi : ce il dont vous parlez entre vous et dans lequel je me reconnais.

Tel peut-être schématisé le miroir de l'interlocution. IL, l'absent.. Curieuse absence en vérité, où l'on peut se demander ce qui est re-présenté : bien avant d'être au monde, j'existais en tant que "il" Avant toute présence physique en ce monde,je me trouvais ici "représenté" - "pré-représentè", devrait-on plutôt dire. Présent en tout cas sur certain mode, plus fondamental peut-être que ma présence effective en ce monde, au monde et à moi-même. Bien avant ma naissance, on parlait déjà de moi - de tout temps peut-être, depuis (peut-être) que les hommes parlent, car le il ou je m'inscris est d'abord celui des généralités : dire que le corps humain comprend une tête, un tronc et quatre membres, c'est déjà parler de moi.                           

De tout temps, de temps immémorial en tous cas, je suis inscrit dans un univers de représentations. Je souligne ces mots : immémorial et inscrit, car la mémoire est essentielle à l'écrit. Si les représentations collectives, celles qui constituent le monde du sujet à venir, peuvent se transmettre par voie orale, seul l'écrit peut être archivé, scellé, faire référence : mémoire-témoin, mémoire historienne. On parle d'histoire lorsque apparaît l'écriture, et on ne s'est peut-être pas assez interrogé sur ce qui ressemble d'abord à un paradoxe : les sociétés de tradition orale évoluent très lentement, elles restent comme engluées dans la tradition - c'est comme si l'écriture libérait d'un corset, autorisait une liberté de mouvement, de changement.                           

C'est peut-être (on peut beaucoup gamberger là-dessus) - c'est peut-être comme la station debout libère les mains pour d'autres tâches, l'écriture libère la pensée de la corvée de mémoire : de remâcher et de retransmettre le monde des aînés, sans quoi le monde, dans les sociétés sans écriture, risquerait évidemment fort de se casser la gueule. C'est peut-être que l'écriture humanise le temps - qui n'est plus désormais celui du cosmos mais celui des hommes, le temps de l'histoire : l'écriture désacralise le temps. Elle le met en tout cas au service du pouvoir: le scribe est instrument du prince, du propriétaire, du marchand du maître.                           

4 Que les représentations collectives soient au service du pouvoir, qui pourrait aujourd'hui en douter? Des pouvoirs, peut-être, car le pouvoir s'est quelque peu fragmenté dans les sociétés démocratiques modernes.                           

Mais en ce qui concerne mon propos d'aujourd'hui, ceci est après tout secondaire : je suis médecin, je parle thérapie, ce sont au premier chef les représentations médicales et scientifiques qui sont ici en question - les représentations des biosciences et des sciences humaines, celles où je m'inscris, anonymement, dans ma généralité - comme objet de savoir, champ de pratiques, unité statistique...                           

Qui pourrait nier que le corps médical, le communauté scientifique, l'administration de la santé, le sens commun, le socius, que sais-je? (je ne saurais même dire qui) - exercent sur moi un terrible pouvoir, une contrainte terrifiante quand j'y songe. Car ce moi ou j'ai à me reconnaître, c'est aussi, quotidiennement, dans cet univers de représentations collectives, que j'ai à en repérer les formes. Que dis-je ? c'est de cet univers que, quotidiennement, des images de moi me sautent au visage, m'agressent, me colonisent, me possèdent, me squattent sans me demander mon avis. Qui dit pouvoir dit lutte. Lutte pour le pouvoir, lutte contre le pouvoir. Lutte pour affranchir, pour asservir - les deux étant, comme nous avons amèrement appris, difficilement dissociables. L’écrit est, en ce qui concerne les représentations collectives, le lieu par excellence de cette lutte. Même si (on ne manquera pas de me l'objecter), même Si le pouvoir se combat ici, et se conquiert aussi à la tribune, dans les colloques, les congrès, les symposiums, les lieux de parole instituée(mais de cette parole il reste ce qu'on appelle des actes, et c'est dans l'écrit que tel congrès prendra stature d'événement, fera date dans l'histoire des idées).                           

Même si l'image audio-visuelle prend aujourd'hui une place expansive dans l'univers des représentations collectives (mais l'image se double, se leste de ses commentaires - et la parole enregistrée peut-être considérée, à plusieurs égards, comme une forme d'écrit). Terrain de ces luttes de pouvoir, de ces conflits de représentations, de cette mémoire chaotique, de cette histoire entrain de se faire : la psychiatrie actuelle, et tout aussi bien le champ foisonnant et apparemment confus des psychothérapies. Assez incroyable kaléidoscope, aujourd'hui, où j'ai à me reconnaître parmi les représentations, les modèles, les images parfois incohérentes que charrient les discours ambiants, et les pratiques qu'ils arment et justifient.                           

Le packing (et il partage cette vertu avec quelques autres dispositifs thérapeutiques) - le packing est pour moi occasion aménagée de mettre un peu tout ça entre parenthèses, et de reprendre les choses à la racine, au voisinage d'un zéro de la représentation. Ce qui importe pour moi dans cette technique, c'est d'aménager ce que Masud KHAN et OURY appelle une jachère, un espace aussi peu meublé que possible, aussi peu encombré que possible (à l'inverse de notre espace de vie habituel) de représentations, d'images, de théories de toutes sortes - de grilles de lecture où le moindre événement qui émerge en thérapie, à peine a-t-il pointé le bout de son nez que l'on sait déjà de quoi il s'agit, comment ça s'appelle et ce que ça veut dire.                           

Étouffoir de la représentation qui vous met vite en anoxie, qui vous pompe l'air au point de ne plus trouver le souffle qui nourrit les mots et les articule. A récuser formellement pour faire des packs : le lacanien avec ses graphes, le bioénergéticien avec ses anneaux ou ses çakras, qui d'avance ont enfermé dans leurs constructions théoriques ce corps qui palpite et balbutie, et le sujet qui s'essaye à l'habiter. Ce qui ne peut se faire, lorsqu'il s'agit de psychotiques ou de malades travaillés par des problèmes très archaïques, qu'au contact (aménagé, institué, ritualisé) d'autres corps parlants - que dans un dispositif, une mise ne place analogique de quelques fonctions constituantes précisément articulées, une autre scène où va pouvoir se répéter, se reprendre, se rejouer, dans la contingence vivante de l'ici et maintenant (se rejouer autrement, donc), quelque chose de ce qui, supposons-nous, s'était autrefois mal passé : en dire plus serait abusif et inopportun, car ce serait déjà installer sur la vacance de cette scène, dans cette jachère que nous nous évertuons à préserver, des constructions théoriques, des représentations qui viendraient la semer d'ornières.                           

5 Aussi bien l'expérience montre-t-elle que lorsqu'un patient évolue cliniquement au cours d'une série de packs, au point d'aller mieux de l'avis général, et du sien en particulier - la plupart du temps personne ne peut dire ce qui s'est réellement passé au point de vue psychodynamique:

les constructions théoriques qu'on ne manque pas de faire de cette évolution peuvent certes être importantes pour le moral des soignants, voire pour la constitution de l'équipe, mais on a l'impression qu'elles ne mordent pas vraiment sur l'essentiel, qui a dû se jouer en sous-oeuvre. Et pourtant: pourtant nous vivons dans un monde de représentations, un monde en représentation, où au sortir du pack le patient aura à vivre lui aussi, à trouver tant bien que mal sa place et son chemin, et à supporter aussi tout ce qui déboule sur lui d'images et de signifiants qu'il est plus ou moins sommé de faire siens, sauf à s'en démarquer, ce qui revient au même.                           

Un monde de représentations hétérogènes, incohérentes, chaotiques - heureusement dirai-je, bien que cela pose parfois des problèmes: un monde carnavalesque où la sorcière Paranoïa vient proposer sa tentation unificatrice, centralisatrice, compréhensive, totalisante. Miroir du sujet que cent doctrines parallèle ne cessent de disputer, avec des succès locaux, à l'impérialisme de la Médecine. Une psychothérapie qui se veut psychanalytique, comme celles que je m'efforce de promouvoir, n'a pas à ouvrir boutique dans cette foire, à prendre parti dans ce tohu-bohu : la difficulté est de se situer en marge, c'est-à-dire dans une position qui ne soit ni dans, ni en-dehors.                           

Témoin de ce difficile positionnement, toujours instable, toujours précaire - le secrétaire qui, avec son bloc et son crayon à bille, note au cours de la séance de packing ce qui pour lui semble faire événement. Comme il peut, ce qu'il peut, ce qui peu distinctement émerge et naît là de cette écume relationnelle, il le griffonne et l'inscrit consciencieusement, laborieusement sur ses tablettes, sachant que ce matériel devra être livré, restitué au monde de la représentation en marge duquel il s'est provisoirement (et autant que faire se peut) retiré - et qu'il y parlera peut-être à d'autres : que ce qui s'exprime la, par exemple, de l'existence psychotique, d'autres auront du moins à l'entendre, et à se débrouiller avec comme ils pourront - peut-être en le théorisant, peut-être en révisant leurs représentations théoriques, peut-être en ouvrant une espèce d'inquiétude dans des constructions réputées jusque-là antisismique...                           

Témoin, sur la scène de la thérapie, de l'univers de fictions et de convictions qui nous permettent de vivre tant bien que mal, dans notre société, en présence proche du réel, l'homme de plume devient alors, peut-être, dans cette société, un témoin de ce scandale permanent, irrémissible, que constitue jusque dans la théorie l'existence psychotique, ou autistique - et tous aussi bien celle des grands alcooliques, des toxicomanes et de quelques autres, un peu plus paumés que la moyenne dans ce que RILKE nommait le monde interprété.                          

Roger GENTIS



03/11/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 26 autres membres