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Bernard LAMARSAUDE : Approche théorique des thérapies corporelles par enveloppement humide

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0 "Afin de comprendre les sentiments d'identité tant normaux que perturbés il nous faut retourner aux modalités primitives de la perception".
Margareth MAHLER. 1958.

" Le MOI est d'abord et avant tout un MOI corporel ".
Sigmund FREUD "Le Moi et le Ça". 1923.

L'approche théorique des thérapies corporelles par enveloppement humide, de type "Packs" se réfère de fait à tout ce qui concerne l'univers tactile et cutané. C'est le facteur structurant de l'appareil psychique, originant la personnification. Nous nous souviendrons, troublés, que la peau, l'encéphale et le système nerveux sont issus du même feuillet embryonnaire, l'ectoblaste... L'utilisation des Packs et leurs résultats reposent sur le rapport fondamental de l'esprit et du corps. L'unité “psyché-soma"' est composée de deux éléments, dont l'un, le corps, est méconnu de la vie quotidienne, de l'enseignement, de la psychologie, et qui est pourtant ce sur quoi s'étayent toutes les possibilités de penser. (D.ANZIEU).

              L'hypothèse validée dans les packs est, que dans certains états pathologiques cette technique d'enveloppement rassemblerait les éléments épars de représentations corporelles dans une enveloppe restaurant l'unité de la personne...Une possible amélioration pourrait donc passer par un rétablissement d'une expérience de la surface du corps, comme aux premiers stades du développement. Cette délimitation restaurerait le moyen primaire d'échange et le fondement manifeste d'une possibilité d'être. La place de sujet, légitimement restituée au nouveau-né, avant même qu'il se soit personnalisé, représente une potentialité positive pour son devenir. Par rapport à cet idéal, il nous semble toutefois nécessaire de rappeler que le comportement parental et maternel en particulier en ce qui concerne le développement d'un bébé, est le reflet des potentialités liées à l'histoire de cette mère, (elle même inscrite dans son propre roman familial), associé à la place que cet enfant occupe dans l'imaginaire du couple parental.

Il ne faut pas non plus négliger l'existence de la vie fantasmatique du nouveau-né qui parfois, de par elle seule, crée également quelques complications dans sa façon d'être au monde. Il faut également souligner la singularité de la fonction maternelle sur laquelle repose à la fois : - la création d'un environnement suffisamment bon pour permettre le développement de l'enfant - la structurante intrusion de la dimension paternelle dans le rapport inter subjectif mère enfant.

1 APPROCHE DU DÉVELOPPEMENT PSYCHIQUE
en considérant la fonction sensorielle comme organisatrice de la psyché.


Je vous laisserai le soin de faire par vos propres associations le lien avec ce qui concerne les packs. Mon exposé sera lacunaire retraçant une démarche personnelle non exhaustive. Il abordera de façon succincte des références déjà bien connues de beaucoup d'entre vous. Son éventuel mérite sera de vous permettre, en accord ou en désaccord avec moi, de vous aider à vous remémorer vos propres références et fils conducteurs personnels dans ce domaine si complexe. L'oeuvre de WINNICOTT sera un fil rouge dans ces rappels. La peau, en plus du rôle biologique complexe qu'elle joue, transforme l'organisme en un système sensible qui participe à l'éprouvé des sensations et qui est un lieu d'échanges avec l'entourage. Voilà résumé ce qui va être le socle de la mise en place de notre psychisme et de notre personnalité.

L'association psycho-somatique génère le sentiment de soi, c'est à dire la personnalisation de l'enfant. C' est grâce à l'ensemble des soins prodigués et adaptés par les compétences et l'attention de la mère que l'individu acquiert, le sentiment d'exister dans son corps, que le moi se constitue comme moi corporel. Cette dynamique exploite la tendance naturelle de l'enfant à habiter son corps et à trouver du plaisir aux fonctions corporelles. Le point de départ du fonctionnement psychique est l'élaboration imaginaire de partie de sensations et de fonctions somatiques. Au tout début de la vie alternent des séquences de non intégration avec des phases liées aux perceptions sensorielles et à la motricité.

La tendance à intégrer est assistée:
- par l'expérience des soins infantiles
- par les expériences instinctuelles aiguës (moments où l'enfant se rassemble et sent quelque chose).
              L'interaction du “psychisme et du soma" constitue une phase primitive du développement individuel. Au stade initial du narcissisme primaire, l'environnement et le bébé sont confondus. Petit à petit les sensations et les perceptions des fonctions somatiques vécues grâce à l'association psyché - soma, vont s'élaborer et va se développer le noyau du self imaginaire, c'est à dire le corps vivant ressenti comme ce noyau. Cette élaboration va se faire grâce aux sentiments de continuité d'existence qui est induit par la qualité de l'environnement, c'est à dire du maternage. La perception des limites du corps, du dehors et du dedans, et cette interaction dans ces différentes élaborations permet à l'esprit, donc aux activités mentales, de se mettre en place. Celles-ci consistent en fantasmatisation, en capacité à se souvenir, en compétence à faire des liaisons de cause à effet, en compétence également à pallier aux défaillances et aux carences maternelles par la suite. Les possibilités d'anticipation apparaissent et l'intégration de la notion du temps et de l'espace également.

2 La pensée et les processus intellectuels se développent comme un appareil secondaire à la psyché primitive, ce développement se fait grâce à l'élaboration de la partie psychique du psyché-soma. Je vais essayer de vous faire bénéficier de ce que j'ai mis longtemps à comprendre dans les traductions et dans l'oeuvre elle-même de Winnicott, à savoir la différence entre psyché et psychisme (appelé aussi activité mentale ou esprit).

La psyché est la partie compétente de l'organisme (soma) à éprouver quelque chose de son fonctionnement. Il s'agit d'une fonction extrêmement primaire et archaïque qui persiste comme instance et à partir de laquelle, progressivement et j'oserai presque dire à côté de laquelle va se développer le psychisme qui est le siège de la pensée. Cette précision est indispensable pour comprendre la notion de self et de faux-self dans laquelle les alliances et les interactions des instances psyché-soma-esprit sont modifiées, pour pallier à la carence de l'environnement. Le faux-self est un mode particulier de dissociation entre la psyché et le corps. Le self tendant à être localisé faussement dans l'esprit : il y a séduction de la psyché par l'esprit, le fonctionnement mental perd sa relation intime au corps et devient en quelque sorte une chose en soi. Le self investit l'esprit et se coupe de ses expériences corporelles ce qui entraîne une impression de vide et d'irréalité.

              Revenons au stade primitif du non-savoir : l'intériorisation des expériences apaisantes et sécurisantes avec la mère établissent la capacité intra-psychique d'intégrer et d'élaborer des sensations. Prenons pour exemple celles du mamelon dans la bouche. Cette sensation coexiste avec celle d'être entouré du soutien et des bras de la mère. Cette juxtaposition contribue à l'élaboration du proto-concept d'entourer le mamelon avec la bouche, de le contenir dans sa bouche. Les sensations et l'échange sensori-moteur, pour que l'enfant construise son MOI, résultent de l'attention et de la stabilité des soins maternels. C'est l'appareil peau qui permet de ressentir que les parties du corps sont rassemblées et contenues, métaphorisant l'unité du moi. La perception de l'écoulement transitoire des substances corporelles participe à la conception de cette limite structurante.

Lorsque l'environnement, c'est à dire la qualité des soins maternels, est perturbé, il y a perturbation de cette capacité primaire d'élaboration et le nourrisson est amené à fabriquer quelque chose qui remplacera le contenant défaillant. C'est ce qu'Ester Bick appelle une deuxième peau, ou Frances Tustin un système clos. Pour Winnicott, nous avons déjà fait référence à la notion de faux self qui a pour conséquence que l'esprit et le fonctionnement mental perd alors sa relation intime au corps et devient une chose en soi. Cette dynamique sensorialité / conscience nécessite un système de régulation. Pour Bion, et de nombreux auteurs, c'est une fonction spéciale l'attention qui permet l'ajustement au monde extérieur par rapport aux besoins internes.

Il reprend ainsi dans une approche quantitative plaisir - déplaisir, la théorisation de Freud qui décrit la fonction de la peau comme étant celle d'un filtre complexe des stimulations externes, véritable appareil protecteur vis à vis des excitations environnantes, quantitativement inassumable pour le système interne. C'est ce qu'il appelle le parexcitation. La couche externe protectrice (pare-excitation) recouvre, dans une conception topique, la couche réceptrice définie comme un système perception-conscience. Le parexcitation pourrait être comparé à un rhéostat psychologique modulant l'investissement du système perception-conscience. Le développement par Bion de cette notion aboutit au concept de barrière de contact produite par ce qu'il appelle la fonction alpha.

C'est la métabolisation mentale maternelle des angoisses et des projections du bébé (faim, souffrance, solitude, peur de mourir), grâce à sa propre fonction Alpha, qui permet à l'enfant l'intériorisation secondaire de ce vécu. De persécutoire, il a été transformé et restitué au bébé sous forme d'impressions utilisables, décodables et non destructrices. C'est ce que BION appelle la capacité de rêverie de la mère. Cette fonction en se développant chez le tout-petit lui permettra à son tour de transformer les vivances émotionnelles, en éléments alpha, c'est à dire en mentalisations servant à l'élaboration des pensées, des rêves, des souvenirs.

              Ces théories développent ce qui était ébauché chez WINNICOTT de la fonction contenante active du psychisme de la mère par rapport aux angoisses archaïques de son bébé. Ainsi, pour résumer, dans la métaphore de la fonction cutanée sous forme de barrière de contact, s'origine de cette possibilité de mettre en place des pensées, et un appareil à penser les pensées. Les pensées n'étant dans les étapes initiales de leur développement, rien de plus que des impressions sensorielles, des vivances émotionnelles très primitives, des “proto-pensées”. Ces données sont reprises dans le concept du Moi-Peau. (Didier ANZIEU).

Au sujet de la fonction corporelle dans les processus de communication non verbale, sont reformulées les trois expériences concomitantes vécues à l'occasion de la tétée et des soins maternels par l'enfant :
- la bouche lui fournit l'expérience d'un contact différenciateur, d'un lieu de passage, d'une incorporation.
- la réplétion permet l'expérience d'une masse centrale d'un plein.
- il est tenu dans les bras, serré contre le corps de sa mère dont il sent la chaleur, l'odeur et les mouvements, porté, manipulé, frotté, lavé, caressé, le tout accompagné généralement d'un bain de paroles.
Ces activités conduisent l'enfant à progressivement différencier une face interne et une face externe, c'est-à-dire permettant la distinction du dehors et du dedans, et un volume ambiant dans lequel il se sent baigné.

Surface et volume lui apportent l'expérience d'un contenant. L'espace entre l'entourage maternant, émetteur de messages, et la surface réceptrice du corps est décrite en terme d'interface. Le moi-peau est donc une figuration dont le moi de l'enfant se sert, pour se représenter lui-même, à partir de son expérience de la surface du corps. Pour nulle autre réalité psychique que le moi-peau, le plaisir ne fonde aussi manifestement la possibilité de penser.

Tous ces phénomènes sont vitaux pour la santé de l'enfant qui se comporte comme Si il en avait une prescience comme nous l'ont montré les travaux des éthologistes (TINBERGEN, LORENZ, BOLWBY) dans la mise en évidence de la pulsion d'attachement. C'est un phénomène de besoin de contact du petit vis à vis de sa mère. Il est indépendant de la pulsion orale. Il n'est pas liée non plus à l'angoisse de l'absence du sein qui entraîne l'hallucination de celui-ci. Il s'agit d'une pulsion d'immédiate proximité, de bien-être, de contact, pulsion d'agrippement à sa mère du petit homme.             Cette recherche du contact du petit avec sa mère et sa satisfaction est un facteur essentiel du développement affectif, cognitif et social de ce dernier.

3 DU SENTIMENT DE SOI.             Pour résumer .

             Pour TUSTIN : Le nouveau-né serait dans un état autistique physiologique, si l'on considère qu'il est dans un état antérieur à la pensée. Cet état évolue grâce à la qualité de la prise en charge maternelle et les sensations du nouveau-né se transforment en perceptions qui entraînent le discernement des modèles et l'apparition des fonctions mentales de reconnaissance, classification et empathie. C'est la représentation intérieure de la réalité qui permet la conscience de soi.

              Pour WINNICOTT : Le corps est ressenti par l'individu comme le noyau de son self-imaginaire.

Pour DOLTO : Le monde des perceptions-sensations et des vîvances émotionnelles du nouveau-né, va évoluer vers la construction, d'une part d'un schéma corporel conscient et d'autre part d'une image du corps inconsciente. C'est grâce a. notre image du corps, portée et croisée à notre schéma corporel, que nous pouvons entrer en communication avec autrui. Tout contact avec l'autre, que ce contact soit de communication, ou d'évitement de communication, est sous-tendu par l'image inconsciente du corps. Le rapport qu'il y a entre le désir qui s'exprime dans la parole, les fantasmes et les images, à la fois du bébé-sujet et de sa mère, avec les besoins qui doivent être assouvis pour que la vie du corps puisse continuer, permet la relation entre le schéma corporel et l'image du corps.

4 ANGOISSES ARCHAÏQUES, systèmes et désorganisations psychotiques

Tous les phénomènes précédemment abordés, dans leur altération ou leur échec peuvent générer des états psychotiques. La rupture à un moment donné du décodage des perceptions, dans un système émotion-communication entre la mère et l'enfant, déclenche une séparation schéma corporel et image du corps. Une des origines de cette rupture pouvant être la pauvreté d'intention vis à vis du bébé, véhiculé par les mots qu'il entend. Dans cette rupture, le schéma corporel est alors figé à ce moment de bascule dans l'imaginaire d'un désir dissocié de sa possible réalisation, ce qui nous renvoie peut être au problème, par exemple, de la non utilisation partielle de ses potentialités corporelles par l'enfant.

C'est ce que l'on constate lorsque la relation mère-enfant est artificielle. Un début de développement normal s'organise, puis l'excessif effort du bébé à s'adapter à cette relation ne peut plus subsister, après un premier développement normal, ce qui amène une dislocation avec une régression de la personnalité. Les résidus de ce processus subsistent sous la forme de fantasmes liés à la sensation physique.

               Cette idée est particulièrement intéressante, par rapport aux syndromes psychotiques gravissimes de la petite enfance inaugurée par des crises d'épilepsie après un développement psychomoteur normal (TUSTIN). Les fantasmes archaïques du nourrisson en rapport avec le vécu corporel sont également abordés dans le concept d'objet d'amour symbiotique par M.MAHLER. La fusion des représentations du soi et de l'objet, amène la notion de perte dans le corps de l'enfant lorsqu'il y a absence de l'objet. Pour F. TUSTIN c'est un trou qui est fait dans le corps par l'absence. La lutte contre ces phénomènes amène l'enfant à des réponses instinctuelles en façonnant des parties de lui comme formes "innées", en utilisant un objet autistique pour boucher ce trou dans un monde où le temps est maîtrisé voire arrêté, s'organisant un système autistique secondaire pour se protéger.

Éviter la conscience d'une image du corps total dans sa peau, peut être un moyen de défense si cette conscience est trop angoissante par rapport à la séparation. Dans ce cas, les parties fragmentées sont-elles rassemblées qu'elles sont à nouveau dispersées tant les terreurs de séparation corporelle sont fortes. Cette notion de séparation est à préciser puisque nous sommes dans une période du développement caractérisée par une non conscience d'être en tant que sujet individualisé. Un bébé cela n'existe pas, puisque la structure première est un environnement plus un individu, l'environnement servant de coquille et l'individu de noyau. L'insuffisance de la coquille (environnement, c.à.d. maternage) menacerait d'avoir à exister, être seul, lorsque l'on n'en a pas les moyens (self non construit) et c'est cela que l'on désigne par séparation à ce stade. C'est une menace d'annihilation, angoisse primitive très réelle qui inclue le mot de mort dans sa description. “La catastrophe qui hanterait le psychisme naissant du bébé humain serait celle du décramponnement qui si elle survient, le pIonge dans une terreur sans nom”.(BlON)

Lorsque cette menace est trop intense, un des moyens d'évitement consiste à ne plus élaborer les vivances et les sensations. Les mécanismes d'identification projective les dénatureront en éléments bêta pour les expulser. Ces vivances qui vont devenir ainsi inutilisables pour l'appareil psychique constituent des choses en soi. Leur agglutination forme un écran, générateur de confusion, entre par exemple conscient et inconscient, sommeil-éveil, ce qui se manifeste par une faillite de la symbolisation, des pensées concrètes, une incapacité à rêver. L'exercice d'une pulsion d'emprise rassurante non destructrice est permise par les premiers contenants rythmiques qui participent à l'élaboration du fantasme inconscient de peau psychique. Ces contenants rythmiques ne concernent pas seulement les kinesthésies mais aussi le flux et le reflux continuel des échanges basés sur l'illusion. (HMG).

L'idée de la défaillance de ce tout premier contenant ou de sa perte confronte l'enfant à ne pas pouvoir intérioriser celui-ci. Ses tentatives à suppléer à cette carence catastrophique passent par l'entretien permanent des auto-sensations et kinesthésies rythmiques. Elles se repèrent cliniquement par des rythmies corporelles qui lorsqu'elles ne se rétablissent pas dans une interrelation à un moment ou à un autre, peuvent se dégrader dans l'automutilation. Ces contenants rythmiques participent normalement "aux grappes de sensations" où le pré-objet et le prémo sont confondus au sein de la "substance commune" en une sorte de matrice post natale. (TUSTIN, HAAG) La rupture prématurée de cette matrice, qui entraîne un vécu d'espace plein de trous et de choses coupées, est liée elle aussi à l'échec de la fonction contenante maternel et de sa capacité de modulation.             

Bernard LAMARSAUDE



20/11/2012
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