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Antoine Fontaine: Le Packing, un soin humain

Le Packing, un soin humain

 

 

Après la diffusion en Avril 2007 sur France 5 d’un documentaire sur un hôpital de jour pour enfants souffrant de troubles envahissants de la personnalité et au cours duquel l’on voyait décrit un traitement par packing, des associations ont déposé une plainte contre X pour discrimination et maltraitance à l’égard des enfants atteints d’autisme. Plainte  à l’époque jugée recevable au pénal par le doyen des juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance de Paris. Aujourd’hui, en dépit des recherches cliniques et scientifiques actuellement menées, il est question d’interdire la pratique des enveloppements.

Si l’émotion se focalise sur le packing, je suis pour ma part bien plus troublé par l’irrationalité actuelle du débat public qui suppose des effets négatifs d’un soin psychique dont la teneur vise justement l’instauration d’une relation humaine. Mon trouble est renforcé par le doute affiché des pouvoirs publics qui peuvent imaginer des professionnels de santé volontairement maltraitants.

Au cas où la construction des reproches se serait basée sur des reportages, je me permets d’attirer l’attention des téléspectateurs, des réalisateurs, des journalistes ou des professionnels ainsi que des élus, sur le fait que tout traitement non distancié d’informations partielles ouvre des espaces trop subjectifs qui fragilisent la réflexion. Le risque est de faire sortir de l’ombre des fausses représentations qui viennent noyer méthodologie, technique et avec, l’éthique et la déontologie professionnelles.

Comment exposer succinctement une méthode de soin éprouvée depuis soixante ans par les professionnels de la santé mentale et qui est employée aujourd’hui encore dans de nombreuses institutions psychiatriques françaises publiques et privées, ainsi que dans d’autres pays et dans d’autres domaines, le polyhandicap ou la gériatrie par exemple ?

Le packing ne peut être expliqué seulement à coups d’images et des mots suspendus hors de la temporalité du soin. Le poids des images ou l’intensité des affects mobilisés est source d’identifications aveuglantes.

En général, une cure de packing constitue aspect d’une prise en charge globale et continue qui peut durer plusieurs semaines, mois, années au cours de laquelle les patients ne sont jamais obligés ou contraints y compris pour ceux considérés comme non-communiquant. J’insiste sur ce point.

Il faut s’efforcer de penser l’effroi dont les patients témoignent régulièrement : un corps sans limites, un corps désarticulé, une douleur morale intense qui empêche tout mouvement, qui va parfois jusqu’à l’auto dévoration. Ne plus reconnaître son propre visage dans un miroir, craindre de couler dans le siphon de la baignoire... Ce que les gens appellent folie est une vraie réalité qui peuple les asiles comme les cabinets de consultation.

Psychiatre en institution depuis plus de vingt ans, je pratique avec mon équipe des séances de packing pour des adultes et adolescents qui souffrent de pathologies variées, de la dépression mélancolique à la schizophrénie en passant par l’autisme ou des automutilations.

Afin de mieux accompagner ce que les patients pourraient ressentir et vivre au cours d’un tel soin, nous avons posé comme exigence de suivre des formations au cours desquelles nous éprouvons nous-mêmes la sensation de l’enveloppement humide et froid.

L’expérience pour nous-mêmes et pour nos patients n’est possible qu’à la condition d’une prise en charge relationnelle, une histoire thérapeutique avec un patient et son entourage, tous fidèles, attentifs aux progrès comme aux rechutes.

Le packing a pour but d’aider le patient à retrouver les limites de son corps en privilégiant ses vécus sensoriel, perceptif et émotionnel, dans le cadre d’un accompagnement accueillant qui redouble l’enveloppe des tissus. Dans cette proximité, les soignants sont mieux en mesure de traduire les communications hors langage de vécus terrifiants évoqués au-dessus.

Le problème exploré par les packs est en rapport avec la souffrance qui atteint l’humain au plus profond de lui-même lorsqu’il n’a pas (ou plus) la possibilité, langagière de la partager, la dire, la communiquer à un proche. Toute douleur non partagée finit par s’amplifier, se retourner contre la personne et la détruire sous la forme par exemple d’un suicide réussi.

Le packing ne ressemble en rien aux bains d’eau glacée imposés aux malades du XIX siècle pour calmer leur agitation. Il ne s’agit nullement de cryothérapie, d’hydrothérapie ou de balnéothérapie ; il répond à une indication réfléchie en équipe multidisciplinaire et a un but thérapeutique.

Le « choc thermique » qui paraît maltraitant et « frigorifiant » à certains, est en réalité très bref – il est tout point comparable au principe de l’immersion en eau froide avec une combinaison de plongeur sous-marin. Ce froid initial est rapidement suivi d’un bien-être sécurisant lié aussi au fait que la phase de réchauffement est accompagnée de présence.

Il importe de comprendre que le « froid » et non le « glacé », n’est pas un but en soi, mais vise le réchauffement de l’être affectif, condition fondamentale pour exister. Il s’agit d’envelopper la personne et pas seulement son corps.

J’ai l’exemple d’une maman qui, aidée d’une équipe, a pu découvrir que son enfant polymalformé était pris en considération et pouvait vivre des moments de bien-être inconnus de lui jusque-là. Condamné à disparaître sans avoir vécu, quelques séances de packing ont permis à la maman de le laisser mourir, c’est-à-dire accepter qu’il naisse en elle. Le bébé a pu être enterré comme un humain et non comme une aberration de la nature. Cette maman a obtenu du conseil d’administration de l’Etablissement de santé que le packing soit inscrit dans le programme de formation du personnel.

D’autres témoignages de patients qui ont commencé à ressentir l’intériorité de leur Être au bout d’une quarantaine de séances, ou à sortir d’une dépression gelée qui les anesthésiait et résistaient jusque-là aux traitements psychotropes habituels comme à la psychothérapie classique.

L’investissement et l’implication des équipes au cours des packs transforment la fonction soignante. On découvre de nouvelles potentialités et ressources chez le patient comme chez le soignant. Il s’agit d’une bientraitance qui ré-emmaillote l’être somato-psychique de manière globale.

Que propose t’on pour réparer une fracture sinon un plâtre, que suggère-t-on aujourd’hui pour calmer une agitation sinon une contention ? Pourquoi ne pas accepter l’installation d’un procédé calme au moyen d’un enveloppement thérapeutique constitué de soignants et d’un drap ?

Ne devons-nous pas accueillir et protéger les personnes contre elles-mêmes, contre la capacité de certains à nier leur destructivité tout en la projetant sur autrui ?

La polémique autour du pack et de la psychiatrie est constitutionnelle du rapport entre la norme et la déviance, elle est nécessairement récurrente et ne s’arrêtera pas à l’interdiction ou l’autorisation de poursuivre le packing.

D’autant que dans cette Histoire, la multiplicité des procédures et des points de mire est irraisonnable. L’absence de débats ouverts crée un galimatias de non-pensée.

Il s’agit bien ici de refuser de se laisser abuser par les « positions » imaginaires qui enveloppent non seulement les packs mais aussi tout ce qui a trait à la psychiatrique en général. Les malades mentaux et la psychiatrie dégagent en effet un potentiel imaginaire de dangerosité. Il est risqué de les fréquenter, bizarrerie et puissance incontrôlables semblent aller de pair.

Je m’interroge également si parfois les professionnels eux-mêmes n’ont pas attisé quelques braises. Quelle idée de mettre les draps au congélateur pour amplifier le choc thermique ou bien de filmer des séances d’enveloppement à des fins pédagogiques. Je m’oppose personnellement à toute mise en image d’un entretien ou d’une séance de soins.

Sans parler du coût humain et intellectuel engendré par une certaine psychiatrie et psychanalyse adoptant des positions scandaleuses – que j’espère dépassées.  Accuser une mère d’être « schizophrénogène » ou responsable de l’autisme de son enfant est malheureux et faux. Reconnaissons la prévalence élevée et une répartition homogène des troubles de la communication au sein de la population active.

Psychiatre auprès d’adultes et d’adolescents en souffrance psychique, je pose régulièrement des indications de packing. Je dis bien « souffrance psychique » et non psychiatrique, car l’un des objectifs du soin c’est d’aller au-delà des symptômes fonctionnels pour tenter d’approcher et développer les aspects les plus vivants d’une personne et de son entourage, en dépit des conséquences handicapantes pour leur vie de relation.

Je propose à toute personne, association de parents, professionnel, juriste, maire ou député qui serait impressionné par ce dispositif de soin de me rencontrer ou parler avec des patients qui ont largement bénéficié de ce qui est manifestement présenté comme une « barbarie ».

Et je propose aussi de démontrer au patient lui-même – par une expérience inédite - qu’au-delà de ses stéréotypies, de ses hallucinations, d’une dépression, de ses automutilations graves, il peut éprouver le sentiment d’une autre voie, un frayage plus vivable.

Emilie, 16 ans, m’a souvent demandé au plus fort de sa détresse : « pourquoi m’empêcher de me scarifier alors que ça me soulage ? »

 

Huisseau sur Cosson, le 2 Juin 2016

 

Antoine Fontaine

Psychiatre

Clinique de Saumery,

Huisseau sur Cosson,

Loir et Cher



22/06/2016
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